Magazine
Conception graphique et webmaster : Pascal Steichen - Rivages Graphiques
Sommaire
n°34 - septembre 2013
D'UNE MARGE À L'AUTRE1 - Poèmes de Jean Simon
2 - Une recette très simple d'Anne-Marie Jeanjean
3 - Portrait de famille d'Isabelle Bonat-Luciani
4 - Insolation / Désolation de François Szabó
5 - Cuisine Opéra texte de Mohamed Metwalli traduit par Anne Bourrel
6 - Faits-divers d'Andrée Lafon
7 - Projet LR2L avec les textes de Jo Witek et d'Emmanuel Darley - photographies de Sylvie Goussopoulos
CHAMP DE CULTURE
1 - Chronique livre : L'Étranger, BD de Jacques Ferrandez d'après Albert Camus, par Michèle Bayar
2 - Chronique livre : Un an de René Pons, par Jeanne Bastide
3 - Chronique cinéma : Critiques et fées, de Jean Azarel
BOUT DE CHEMIN
1 - Entretien avec Sylvie Rey, librairie L'Eau Vive (Nîmes) - par Françoise Renaud
2 - Entretien avec Nathalie Castagné, traductrice et romancière - par Raymond Alcovère
ICI ET LÀ
1 - Portrait d'auteur (audio) : Antoine Blanchemain, entretien avec Bernard Laurent (Radio Interval)
2 - Atelier d'écriture : Confettis collectifs, écritures croisées entre écrivains et jeunes sans-papiers - par Caroline Molino
3 - Les vitrines de Lekleti, par Sylvie Léonard
4 - Hommage à Michel Gueorguieff, par Joëlle Wintrebert
PAYSAGES
1 - Peinture : Aurélie Piau
2 - Photographie : Rick Glay
À PARAÎTRE
Les dernières parutions des auteurs ADA
Prochain numéro : décembre 2013
Appel à textes permanent.
Envoyer vos propositions à contact@autour-des-auteurs.net
Ours
Comité de rédaction : Raymond Alcovère, Anne Bourrel et Françoise RenaudComité de lecture :
Valéry Meynadier
Rédactrice en chef :
Françoise Renaud
Directeur de publication : Francis Zamponi
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Index par rubriques
Index par auteurs et artistes
D'une marge à l'autre
Poèmes de Jean Simon
Trois regrets
On s'est penché sur ma douleur. Immobile, je gis dans une clarté faible et froide. Des silhouettes vont, viennent. Attentives. Silencieuses. Des visages me visitent. Des vivants et des rêves. Je suis bien sans mon corps. Uniquement mémoire. J'entends parfois de lointaines musiques. Je vais m'endormir.
MAIS LAISSEZ-MOI REVOIR, UNE FOIS, DES NUAGES.
Depuis des mois, dans ce couloir, la lumière blanche ne s'éteint jamais. Il n'y a ni ombre, ni jour, ni nuit. Des regards absents m'épient, des uniformes passent. Les bruits sont secs, métalliques, sans échos. Ma cellule fait trois pas. Je n'en sors jamais. Ceux que j'ai aimés, tués, peuplent mon sommeil. On me fera bientôt mourir.
MAIS LAISSEZ-MOI REVOIR, UNE FOIS, DES NUAGES.
Nous voyageons depuis si longtemps. Mes compagnons reposent. Je suis calme, détendu. Le soleil s'atténue. La terre n'est qu'une étoile qu'il faut chercher parmi les autres. Un monde étrange, lointain, nous est promis. Nous reviendrons. Beaucoup plus tard. Tout est silencieux. J'écoute une musique où des sources murmurent. Je suis sans émotions. Tranquille.
MAIS LAISSEZ-MOI REVOIR, UNE FOIS, DES NUAGES.
Avant
Une déchirure dans la soie d'un rideau dévoile un jardin dépeuplé. Un pas sur le parquet où glissent des années. Voix assourdies par la mémoire. Qui pousse la porte sur l'avenue, monte vers le perron ? Le feu couve, un chien rêve. Une heure d'après-midi déserte la pendule, visite des chambres, se perd dans des couloirs, s'éteint.
Ne tardons pas.
Du cimetière sur la colline nous descendrons vers la rivière, les bois frileux. Le vent se lèvera, nous aurons froid, nous rentrerons par des venelles engourdies, le soir allumera ses veilles aux croisées.
Quelqu'un se lève
Il va neiger
Noël s'éloigne
J'attends la nuit.
Vivisection
Ils l'empoignent et le lient sur leur table
Revêtent des masques
Glissent des gants
L'ouvrent, le dépècent, le désarticulent
Dévoilent son squelette
Décrivent ses nerfs, ses tendons
Ne trouvent pas le cœur secret
Éteignent la lumière et repartent
Alors
Dans l'ombre
Le poème se rassemble
Dénoue ses liens
Rejoint son cœur
Retourne à ses mystères
Pour les hommes aux mains nues
Aux visages avivés de soleil et de vent
Pour les vivants
Si loin
Prenez un chemin et allez
Ne vous retournez pas
Ne craignez point la nuit
Ne rêvez pas de revenir
Si loin que vous soyez une veilleuse vous fera signe
Asseyez-vous près de la lampe inépuisable
Hormis des ombres, nul ne viendra
Aucune heure ne sonnera
Quand cèdera l’obscur vous renaîtrez
Si loin que vous soyez nous vous aurons sauvegardé
Á l’émoi du veilleur les portes s’ouvriront
Nous vous accueillerons
Mais ne vous reconnaîtrons pas
Illustrations : Visiteurs, d'Olivier Chevalier (enduit, huile & pastel sur bois, 122 x 125 cm) - toile entière / détail
www.olivierchevalier.canalblog.com - www.facebook.com/olivier.chevalier.948
Une recette très simple, d'Anne-Marie Jeanjean
Portrait de famille, d'Isabelle Bonat-Luciani
Une mère et sa fille
ombrelle et chapeau
sur des coquelicots,
égarées
et sans révolte
pendaient au mur
dans l’escalier
par le fil
d’un portrait de famille.
Elles partageaient
en chien de fusil
des renoncements
avec les hôtesses,
suspendues en majesté
sans que leur histoire
ne déborde de l’herbe floue
ni du colimaçon
à visser les abysses.
Le cœur de la fillette
marche après marche
se soulevait
tandis qu’elle détournait
son regard
de ces femmes étranges
de peur qu’une fois
les secrets levés
la transpercent du regard
de ces âmes mortes
aux couleurs de pastel.
La mère sans ombrage
lui avait raconté
que les deux fusionnelles
portaient en elles
les tourments
identiques aux leurs
dans l’ombre
de ce cher disparu
au nom caché
pour ne pas
effeuiller
les vies parallèles.
Alors l’espoir accroché
à ses mollets
elle courait vite
vers d’autres paysages
où ses horizons
échapperaient à la négligence
des hommes.
Illustration : Dans la vallée des ombres, 5e visite, d'Yves Alleaume
www.yvesalleaume.odexpo.com/?lg=
Insolation / Désolation, de François Szabó
Le matin qui ouvre grand la gueule du jour
Le soleil implacable
La rue qui tremble et vacille
L’air sec et chaud qui entre par les fenêtres
Te voici été des forges
Te voici fondant le plomb en or
Et dans le silence total
Après les absences
Les tourments
La poésie se décline
La poésie s’affirme
Sur l’écran des imaginaires
Sur le clavier des impromptus
Ainsi va somnolent le poète
Qui d’un instant de tranquillité
Cherche un moment de grâce
Un moment irrésolu et indomptable
Qui marque de son sceau
La page qui n’est plus vierge
Et qui porte à jamais
Le regard d’un homme
Illustration : Allegro, de Pierre François, avec l'accord de sa famille
www.pierre-francois.com
TRADUCTION
Cuisine Opéra, de Mohamed Metwalli
Traduit en français d'Anne Bourrel
Note de la traductrice : « Je redis qu'il s'agit là d'une traduction de traduction. C'est le mouvement entre les langues et les cultures qui m'intéresse et l'expérience de l’universalité de notre parole. C’est aussi ma contribution microscopique pour l’ouverture des frontières géographiques et politiques. Ce texte n’a eu besoin d’aucun visa pour traverser la Méditerranée, il est libre d’aller et venir, il a visité plusieurs pays, plusieurs maisons, au Caire, à Meknès, à Montpellier et ailleurs. Que les hommes aient un jour la sagesse du papier ! »
De tout l’immeuble, c’est peut-être la seule cuisine musicale.
Accoudée aux fourneaux, la belle diva dodue qui adore manger, et surtout manger de la chèvre, chante des passages de l’opéra moderne que le poète son amant a écrit pour elle. Piquée d’ail, dans le four, une cuisse de chèvre.
Bon, on n’est pas vraiment dans une époque qui apprécie les opéras, d’accord, alors le poète caresse une chèvre vivante attachée dans un coin de la cuisine. Son tour viendra.
Il s’approche des fourneaux et se perd dans la contemplation des longs cils frémissants de sa belle. Il admire ses pupilles qui se contractent et se dilatent alors qu’elle chante avec une ferveur toujours grandissante. Le fumet de la viande confère une impression d’harmonie à la pièce. C’est la seule lueur d’espoir dans un avenir où les artistes dorment sur la paille et crèvent la dalle. Le poète arrange les feuillets de musique qu’il vient de composer sur la planche à découper entre les oignons et les légumes. Il fait ça pour elle, sa chanteuse.
La cuisinière – attentionnée comme une mère – ouvre le four de temps en temps, elle fait naître l’espoir dans les cœurs. Alors la chanteuse chante plus fort et avec plus d’entrain et les compositions du poète s’en trouvent nettement améliorées. Si la chèvre vivante panique et tente de se libérer, la cuisinière lui présente quelques jolies tiges de trèfles en bouquet. Chacun se fait un devoir de calmer la chèvre. Chacun essaie de créer une ambiance agréable pour la chèvre. Le lien qui unit la cuisinière à cet animal reste inégalé, leur relation est plus forte que celle de la chanteuse et du poète.
Lorsqu’elle prépare à manger, la cuisinière a l’impression de faire mariner des tranches de sa propre chair. Même si elle est devenue très maigre – parce que là, elle est vraiment maigre – elle n’éprouve aucun regret. Elle n’a plus que la peau sur les os… Tout est Art !
Voici une preuve de cette théorie : le poète et la chanteuse posent la cuisse rôtie et saignante entre eux deux, sur la table de la salle à manger et se mettent à la découper avec passion, tandis que la cuisinière, assise sur un tabouret dans un coin de la cuisine, inonde son tablier de larmes et se croit au sacrifice, comme sur un autel chrétien, et la chèvre vivante – « l’artiste », comme les propriétaires de la maison ont coutume de l’appeler – bâfre les feuillets de poésie et de musique avec grand appétit !
Illustration : Seb M, L'atelier : Betty Page, (acrylique sur toile, 100 x 100 cm)
Texte original
Mohamed Metwalli est un poète égyptien né en 1970. Il réside actuellement au Caire où il est traducteur pour la télévision (de l'arabe à l'anglais). Il écrit en arabe et s'auto-traduit en anglais. Ses textes sont publiés dans la revue Locust (Le criquet). Amateur de whisky et de femmes, il s'oppose à la poésie traditionnelle arabe et se situe résolument dans l'avant-garde égyptienne. Sa poésie s'imprègne du monde moderne, très colorée, pleine de bruit et de fureur. Il voudrait être lu sans afféterie sentimentale, avec le ton d'une lecture de journal.
BILLET
Faits-divers, d'Andrée Lafon
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, je me trouve décontenancée chaque fois que les médias font le récit de crimes horribles pour ajouter aussitôt que l’assassin semblait une personne honnête, un citoyen sans histoire, au-dessus de tout soupçon. Une mère a égorgé ses trois enfants : « c’était une femme gentille et serviable », déclare un camarade de classe de l’une des victimes. Un père a cogné son fils jusqu’à ce qu’il en meure : « il paraissait timide et réservé », affirment les voisins. Un adolescent a tué ses parents, son frère et blessé sa sœur : ses professeurs se souviennent d’ « un élève doux et bien élevé »…
En réalité, nous ne savons rien de ceux que nous croisons tous les jours dans l’ascenseur ou chez le marchand de journaux. Leur politesse nous rassure, nous apprécions leur façon de s’habiller ou de dire bonjour. Mais avons-nous la moindre idée des révoltes qui couvent dans leur tête depuis leur plus jeune âge, des vexations, jalousies, rancœurs accumulées, de tout ce qui les ronge sans apparaître ?
Les criminels n’ont pas tous eu une enfance martyre, ils ont tous été mal aimés. Ils ont été blessés par ces mille agressions quotidiennes qui secouent les êtres fragiles, ceux que la tendresse n’a pas protégés. Au fil des ans, ils se sont vengés sur l’institutrice ou sur les copains, ils ont arraché les pattes des insectes qui passaient à leur portée. Ou bien ils n’ont jamais manifesté leur haine, ils l’ont retournée contre eux. Freud nous a tout expliqué. Mais on se méfie tant de ce drôle de médecin, du miroir qu’il tend à nos bizarreries, et des mots gênants pour le dire. On préfère soigner le corps dans ses moindres recoins et laisser dépérir l’âme. On pratique des soins de plus en plus sophistiqués, des opérations d’une technique audacieuse, alors qu’on renonce à comprendre ce qui gangrène un esprit, ce qui bloque le fluide vital. On préfère se gaver de tranquillisants plutôt que d’affronter ses problèmes de fond.
Ne serait-il pas temps d’être un peu plus lucide, de rétablir l’étude des Anciens et le sens de l’Histoire pour mieux comprendre l’évolution des hommes et des choses, d’avoir foi en la psychanalyse qui s’attaque aux racines du mal ? Je ne dois pas être la seule à souffrir de l’hypocrisie ambiante et des sourires épanouis que nous dispensent les émissions de variété pour essayer d’oublier les mensonges de la vie.
Illustration : Saturne dévorant son fils, Francisco de Goya, 1919
CHEZ MON LIBRAIRE, CE N'EST PAS PLUS CHER !
Deux nouveaux textes proposés par Languedoc-Roussillon livre et lecture, issus de l’exposition "Chez mon libraire, ce n'est pas plus cher", accompagnés par les portraits photographiques de libraires réalisés par Sylvie Goussopoulos. L'exposition s'installera à Béziers, Murviel-les-Béziers et Loupian.
Medhi Bouzoubaa, librairie Mots et compagnie, Carcassonne © Sylvie Goussopoulos
Chez le marchand de bonheurs, de Jo Witek
Ce n’est pas une boutique comme les autres. C’est un refuge où j’aime venir me reposer à l’abri de l’agitation, des modes et des idées reçues. Flâner la main légère, le nez pointé vers le haut des étagères à la recherche d’une réponse. De quoi ai-je envie aujourd’hui ? Tant de langues me sont encore étrangères. Il faut prendre son envol, accepter le doute, sa timidité, la paresse aussi et se laisser dériver vers une intimité. Celle d’une rencontre passagère avec un livre. Mon guide m’observe à distance. J’aime sentir sa présence retenue. Il ne palabre pas, ne commente pas, juge rarement. Il se contente parfois de pointer son index vers un territoire. Une île inconnue qui pourrait me surprendre. M’emporter. Me réjouir peut-être. Une page s’ouvre, puis une autre. Je lis. Il sourit. Je viens de trouver ce que je recherchais. La poésie, juste là, derrière la porte de ma librairie.
Hubert Emmery, Annette Maseneri et Fabrice Sevenier, librairie Siloe, Nîmes © Sylvie Goussopoulos
Dans une vie avant, d'Emmanuel Darley
Dans une vie avant, libraire il fut. Quelques traces et des bribes dans ses souvenirs. L'odeur, tu sais, des livres le matin, avant l'heure. La présence, oui, rassurante des livres quand tu arrives de bon matin. L'odeur aussi des volumes encore chauds sortis des cartons marqués Nouveautés, l'odeur de ça, du jamais ouvert et jamais lu. Changer les piles. Trouver une place. Tout virer, nettoyer, pour remettre en valeur derrière. Ensuite. Pousser en avant la découverte. Le coup de cœur.
Et puis les vitrines. Bien avant l'heure quand c'est si calme. Le choix qu'on fait. Ce que l'on cherche dans le fond du fond. Les mélanges qu'on opère. Ce qui se répond. Les nouveaux, les anciens, le commun et le rare.
Le plaisir de ça.
Et puis les gens. Ceux que l'on dit Clients.
Le commerce des livres.
Prochains rendez-vous :
- Du 15 septembre au 15 octobre : Chapiteaux du livre, Béziers pendant la manifestation, associé à Murviel-les-Béziers
- Du 21 octobre au 21 novembre : Loupian
Champ de culture
CHRONIQUE LIVRE
Soleil et ombre, par Michèle Bayar
À propos de L'Étranger, BD de Jacques Ferrandez d'après l'œuvre d'Albert Camus
Le titre s’affiche en rouge sur le ciel pâle d’une première de couverture où Meursault marche sur la plage sous un soleil de plomb. Seul. On peut lire sur la tranche : Camus/ Ferrandez. Cette double paternité n’est pas usurpée. Vu par Ferrandez, Meursault se montre solitaire et indifférent jusqu’à la complaisance. La terre et la mer sont là, en contours floutés par la trop vive lumière, en toile de fond à peine réelle, contrepoint à l’errance du personnage.
Sûrement l’absence de sensualité dans les images qui m’a fait rechercher un livre publié de Maïssa Bey (éditions Chèvrefeuille étoilée) : L’ombre d’un homme qui marche au soleil, réflexions sur Albert Camus. Elle y écrit, citant l’auteur : « Nous, êtres sociaux, civils, si policés, si prompts à nous émouvoir des excès de langage et des outrances de l’autre quand il ne partage pas nos idées, savons bien avec Camus « qu’il y a des sincérités qui sont pires que des mensonges. » Car le langage, l’écriture, ne sont pas seulement les moyens que nous avons d’exprimer nos doutes, notre désarroi, nos révoltes. Ils sont, j’en suis sûre, quelque chose qui en sait ou qui en dit plus de nous que nous. »
L’adaptation est fidèle, à peine stylisée. Si le verbe manque aux amoureux de Camus, le dessin, le rythme et les couleurs de Ferrandez ajoutent quelque chose au récit en mettant les personnages sous une lumière implacable. L’ombre mortifère de la société coloniale qui a enfanté Camus et son personnage s’abat sans prévenir sur le lecteur et l’emprisonne au fil des pages. Les derniers mots de Meursault résonnent alors, comme la seule libération possible : « Pour que je me sente moins seul, il me reste à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine ».
Collection Fétiche, Éd. Gallimard, 2013
CHRONIQUE LIVRE
Un an de René Pons, par Jeanne Bastide
Ce livre me plaît. L’écriture y est une respiration. Quelque chose d’ample — de tranquille.
Quelquefois me vient l’impression que l’écriture ne va pas dans le sens du propos. Aucune importance. Elle est.
Il s'agit d'une sorte de journal, tenu pendant un an — mise en scène par René Pons — d'une écriture en train de se tarir, et un regard acéré sur le monde.
« Sentir que je suis encore capable d’écrire en échappant à la banquise d’impuissance qui enserrait jusque-là mon esprit. »
Un livre de sagesse. De morale aussi. Peut-être faut-il dire d’éthique ? Des sentences – plutôt des aphorismes.
« Laissons aux philosophes le soin de bâtir des théories, et nous, écrivains, contentons nous de louvoyer entre nos contradictions. »
Dans une solitude retrouvée — bien que le doute imprègne tout le texte —, cette lecture apaise. Comme lénifie la beauté du ciel ou de l’herbe qui pousse — malgré tout. Bien sûr, il force quelquefois le propos et on entend une forme de plainte, et on peut regretter son autodénigrement récurrent. Oui, il entretient son noir. Et alors ? Je reste enthousiaste sur ce livre de Pons.
« Il faut admettre en nous des zones noires. La tension entre des extrêmes. L’art sans doute, naît-il en ce point où la rupture est à tout instant possible, mais que l’œuvre, imparfaite, suture. »
Quelquefois je souris en lisant. Ce n’est pas moquerie mais plutôt tendresse ou complicité. Certains livres bien écrits ne me touchent pas. Celui-là me rejoint au plus près de mon humanité.
Journal, Éd. L'Amourier, 2013
CHRONIQUE CINÉMA
Critiques et fées de société, de Jean Azarel
Ne prenant plus le temps d’aller au cinéma, j’en suis réduit à dévorer les critiques de films dans le programme du « Sémaphore » à Nîmes. Instructives indications sur le malaise, (la décadence diront certains), qui s’est emparé d’une société judéo-chrétienne, occidentale et française, à bout de souffle et de croyances. Difficile d’admettre l’arrivée d’un nouvel ordre mondial où on passe du statut de dominant à celui de dominé dans la partie de domino…Sans doute, mais….
Elektric children (USA) : enceinte, Rachel, 15 ans, qui vit avec ses parents dans une communauté mormone de l’UTAH, soutient que l’écoute inattendue du morceau pop rock « hanging on the telephone » qu’elle a vécu comme une expérience exceptionnelle, mystique et sensuelle, en est la cause.
Les salauds (France) : des gens que l’argent a corrompus jusqu’à l’os se rendent capables d’atrocités inimaginables, au point de dissoudre en eux tout sentiment moral et considération pour autrui.
Jeune et jolie (France) : une jeune fille dépucelée sans illusion passe son temps à se prostituer sans plus d’états d’âme auprès de messieurs matures en mal de sensations fortes. Le prix du film tient à la manière dont le réalisateur prend garde d’évacuer les unes après les autres toutes les pistes, sociales ou psychologiques, qui pourraient expliquer un tel comportement.
Quadrophenia (USA) : rarement un film aura aussi justement fustigé la vacuité du conformisme issu d’un anticonformisme érigé en dogme et de l’impasse idéologique et existentielle à laquelle mène ce type de sous culture (les affrontements entre Mods et Rockers dans l’Angleterre des années 60).
Keep smiling (Géorgie) : la télévision géorgienne organise le concours de « la meilleure mère de l’année ». La gagnante recevra un appartement et 25 000 dollars. Dix mères s’affrontent et font tout pour ne pas laisser passer leur chance d’accéder à une vie meilleure. Tous les coups sont permis.
Notre échec ? Le retour d’un puritanisme rampant dans des bottes au bruit encore chuinté présageant des jours plus noirs ? A vous de voir. Les yeux grands ouverts.
Bout de chemin
Rien d'autre que le désir qui nous conduit, entretien avec Sylvie Rey, librairie jeunesse L'Eau Vive (Nîmes)
par Françoise Renaud
Le livre pour vous, est-il relié à l'enfance ?
Oh oui, pas de doute. Je suis issue d'une famille modeste où on ne lisait pas beaucoup. Les rares livres que j'avais, je les lisais et relisais. Par exemple l'encyclopédie Tout L'Univers que j'adorais. J'y apprenais autant par le texte que par l'illustration. Mes parents envisageaient le livre comme un objet utile à l'apprentissage et à la réussite scolaire — plus important que le divertissement. Par bonheur, j'avais un oncle qui m'offrait des livres à chaque Noël et à chaque anniversaire. Je suis sûre qu'il se faisait conseiller par un libraire !
Quelques livres qui vous ont marquée ?
J'en citerai un seul : La Belle au bois dormant que j'ai découvert entre 6 et 8 ans. Une histoire terrible ! Une force et une profondeur inconnue s'en étaient dégagées, il y avait là quelque chose qui me donnait à vibrer. En fait je n'étais pas très "scolaire", je rêvais beaucoup, je m'évadais dans les histoires.
Ce rapport au livre ancré dans l'enfance a finalement déterminé votre parcours ?
C'est certain. Après le Bac, j'ai découvert qu'il y avait une formation « Métiers du livre » en IUT à Aix-en-Provence et je l'ai suivie. J'y ai fait des rencontres incroyables, déterminantes. Pour la première fois je me suis dit : Je suis à ma place !
Comment s'est dessinée votre orientation vers la jeunesse ?
Je ne me destinais pas au départ à ce secteur, ayant fait mes armes dans une librairie parisienne plutôt intello. C'est dans une petite librairie du Var, mon premier emploi, que j'ai découvert cet espace. Le rapport des enfants au livre m'a passionné et j'ai songé qu'un jour, je serai en mesure de leur proposer des choses de qualité. En 1998, j'ai pris un poste de responsable à L'Eau Vive. En 2005, ma collègue Christine Bertignac et moi-même avons eu l'opportunité de racheter la librairie.
Enfin, vous avez eu votre boutique. Comment l'avez-vous organisée ?
En fait, on aime la mettre sans dessus dessous, la remanier sans arrêt. On aime quand ça change de forme, de couleur, on aime qu'elle soit vivante et qu'elle suscite la curiosité. On y organise régulièrement des rencontres avec des auteurs et nos animations de vitrine sont très appréciées.
Vos coups de cœur dans la production actuelle.
30000 façons de dire je t'aime, de Marie-Aude Murrail : un travail généreux. J'aime ces auteurs qui parlent aux jeunes comme à de vraies personnes. Ou encore la série Emile, de Vincent Cuvelier et Ronan Badel (Gallimard). Ou dans la collection Mouche, Grignotin et Menthe à l'eau de Delphine Bournay. C'est drôle et en plus, tout le monde s'y retrouve.
Le numérique, ça vous inquiète ?
C'est une évolution normale des choses. Nous sommes équipées d'un logiciel pour le proposer, mais pour l'instant nous n'avons aucune demande. Je pense que le livre papier a encore de beaux jours devant lui, du moins dans ce secteur.
Être libraire : une passion ? un chemin de vie ?
Une passion, oui. Parce qu'on donne énormément de son énergie et de son temps. Un chemin de vie, oui. Il s'agit d'engagement, de transmission. Notre librairie, c'est un peu comme un personnage : on l'alimente, on l'habille, on lui donne à respirer. Et on espère que ça continuera, qu'on n'aura pas fait tout ça pour rien !
Illustrations : Portrait en frise de Sylvie Rey et Christine Bertignac / Vitrine de L'Eau Vive
Interprétations italiennes, entretien avec Nathalie Castagné, traductrice et romancière
par Raymond Alcovère
Comment êtes-vous devenue traductrice ?
Un peu par hasard. On m’a proposé – après petit test informel – une traduction chez Denoël pour qui je faisais des rapports de lecture de livres italiens. D’autres ont suivi, venant de diverses maisons d’édition. Mais pourquoi l'italien ? Le chant (que j'ai pratiqué très tôt, encore enfant) m'a, le premier, donné l'amour de cette langue. Puis les séjours à Rome, d'abord avec mes parents, dès l'âge de douze ans, ont renforcé cette orientation. Ma connaissance de l'italien s'est ainsi faite par passion et par imprégnation.
Comment faites-vous, vous lisez d’abord une fois le texte ?
Non, pas nécessairement. La plupart du temps je me lance dans un texte que je n’ai fait que parcourir, j’aime bien découvrir un livre en le traduisant. Ensuite, bien sûr, je le reprends, et le retravaille plusieurs fois, pour peaufiner ou résoudre ce qui m’y a résisté jusque-là.
Le chant a tenu une grande place dans votre vie ; en traduisant, avez-vous l’impression d’être l’interprète d’un auteur ?
Il s’agit en effet d’une interprétation : avec le même souci d’être au plus près de ce qu’a voulu exprimer l’auteur – on traduit certes une langue, mais on traduit par-dessus tout la langue d’un être singulier, qui l’a lui-même d’une certaine façon réinventée –, d’être le plus juste possible, sans pouvoir pour autant s’effacer complètement.
Y a-t-il des traductions qui vous ont particulièrement marquée ?
Dario Bellezza (Mort de Pasolini), ma première vraie traduction, Pasolini lui-même… Mais aussi et surtout mes deux grandes rencontres d’auteurs méconnus, Goliarda Sapienza avec L’Art de la joie et Giorgio Vigolo, dont je viens enfin de voir paraître ma traduction de La Virgilia.
Mais revenons sur Goliarda Sapienza.
Que dire d'elle ? Femme singulière, à la fois fragile et indomptable, qui avait assurément du génie. Enfant de socialistes révolutionnaires en plein fascisme (elle est née en 1924), comédienne et écrivain. Je suis extrêmement fière d'avoir contribué à la faire connaître et reconnaître, car à la suite du très grand succès en France de L'Art de la joie, violemment refusé de son vivant par l'édition italienne, Einaudi a entamé la publication de son œuvre complète, et bien des traductions de son grand roman ont suivi la mienne.
Vous écrivez et publiez également. Est-ce important pour vous ?
C’est essentiel, et pour l’instant je ne le fais plus... Mais j’ai écrit sans cesse, dans l’urgence, par nécessité, entre 14 et 32 ans. Après quoi, par intermittence, avec de longs moments de silence qui pouvaient faire penser que je ne le ferais plus jamais, en attendant la disponibilité, le retour de la condition mystérieuse, le re-surgissement de la même urgence et de la même nécessité.
Sur l'île déserte, quel(s) livre(s) emporteriez-vous ?
J’hésite : le Banquet de Platon, parce que c’est le livre qui a transformé ma vie ? Ou aucun, parce que l’île déserte me suffirait (y compris à convoquer tout ceux que j’ai aimés, et dont la lecture m’a marquée) ?
Les dernières traductions de Nathalie Castagné :
- Capri et plus jamais Capri, de Raffaele La Capria, éditions Pagine d'arte, 2011
- Moi, Jean Gabin, de Goliarda Sapienza, éditions Attila, 2012
- La Virgilia, de Giorgio Vigolo, éditions de La Différence, 2013
- L'Université de Rebbibia, de Goliarda Sapienza, Le Tripode, à paraître fin septembre 2013.
Ici et là
PORTRAIT D'AUTEUR
Antoine Blanchemain
Entretien avec Bernard Laurent
Partie 1 : [le Flash Player est nécessaire]
Partie 2 : [le Flash Player est nécessaire]
(selon la vitesse de votre connexion, patienter quelques secondes avant le démarrage du son)
Ce portrait (audio) d'Antoine Blanchemain a été réalisé par Bernard Laurent dans le cadre de son émission "Les Chemins particuliers" sur Radio Interval, radio associative en Cévennes. Les enregistrements ont eu lieu dans le studio de Saint-Christol-lès-Alès en juin 2013 et ont été diffusés en juillet.
Des intermèdes dialogués entre le producteur Bernard Laurent et la directrice des programmes Danièle Giraud, directrice, viennent enrichir les échanges avec l'auteur.
Photographie d'Henri Lehalle, Aubenas
ATELIER D'ÉCRITURE
Être d'ici et d'ailleurs, Confettis collectif Jeunes majeurs sans papiers du RESF 34, par Caroline Molino
Confettis Collectif conduit des ateliers d'écritures croisées entre jeunes sans papiers et écrivains à Montpellier. Les écrivains sont les bienvenus pour participer pour un texte, ou plus.
À quoi ça rime d'écrire de la poésie avec des « sans papiers » ? Donner du papier aux « sans papiers » ne serait-ce que pour écrire. Se donner le droit de déchirer en confettis ces fichus papiers dont le refus empêche de vivre, de se projeter dans l'avenir.
Il y a cette nécessité vitale de creuser par l'écriture l'expérience douloureuse de l'exil, de sortir de cette double contrainte paradoxale et humiliante : faute de titre de séjour on ne peut conserver de lien avec le pays d'origine, et dans le même temps ce titre vous est refusé sous prétexte qu'il vous y reste de la famille. On ne peut être ni d'ici ni d'ailleurs.
Par l'écriture il est possible de recréer du lien avec un passé, un pays dont on a été coupé, de s'inscrire à nouveau dans la longue histoire des migrations et de ressentir la richesse de sa double appartenance. Être d'ici et d'ailleurs.
L'ambition du collectif est encore plus vaste : sortir du cadre, dynamiter par l'écriture ces discours pernicieux (et les lois qui en résultent) qui présentent l'immigration comme un fardeau à porter. Immigré = danger, problème, misère. Si nos voix ne sont pas entendues, alors nos écrits parleront plus fort, nos mots marqueront plus profond, « nos mille et un mots qui se sont perdus dans le vent » comme l'écrit l'un des jeunes.
Ils sont divers, ils ont des choses à nous dire.
Des écrivains se font leurs porte-voix, s'appuient sur leurs textes pour écrire en écho. Il en résulte une rencontre, un passage de mots et d'imaginaires...
L’espoir que nous portons est de rendre visibles ces jeunes adultes qui subissent la complexité des réalités migratoires et ne peuvent être soumis à l'inhumanité des lois et des circulaires.
placeauxdroits.net/resf34/confettiscollectifs/
Fragments d'atelier
Hublot sur la Méditerranée, texte d'Ali O.
La première fois
Le souvenir le plus ancien
Le plus beau qui a marqué ma vie
La première fois
Très loin en mer
La peur
L'envie de poser les pieds sur la terre ferme
La chaleur humide
Le bruit du moteur qui change au rythme des vagues
Les oiseaux qui vont et viennent
La vue qui se transforme sans cesse
La même couleur bleue autour du bateau.
Il faut qu'on s'aime, texte de Murelh N.
Exil bancal qui fait mal...
Nu comme un ver, je rampais sous ton brûlant fouet.
Cent fois milles fois je me suis senti honteux.
Heureusement j'avais ce sourire de miséreux…
Enfin, j'ai moins mal...
Enfin, j'ai compris. Je suis un ange ou un dieu.
La modestie m’empêche d'avouer lequel des deux.
Je choisis quand faire pleurer, quand rendre heureux.
Je peux t'aimer et je le fais.
Sur le champ de ton intelligence en berne,
Je guerroie pour toi, grand, beau et fier.
Essaie, imite-moi.
Je suis l’immigré, le curieux voyageur,
L’être pluriel, le désir et l’espoir.
Je nous aime d'un amour salvateur.
Qui fera que dans nos cœurs,
Un jour, il cesse de pleuvoir.
Photographie d'Hicham Gardaf : Tangier Diaries # 11, Tanger 2012
www.galerienathalielocatelli.com
Les vitrines de Lekleti, par Sylvie Léonard
Cet été, d’étranges personnages défilent sur les vitrines de Carcassonne, entre les couleurs des étalages et les reflets de la rue. Parade insolite d’un cirque surréaliste sorti de l’imagination de Mohamed Lekleti.
Des hommes et des femmes, lancés en apesanteur dans une sorte de rêve éveillé, harnachés de cordes, de roues, de fils, de pistons, de bobines en équilibre instable sur des chevaux de bois ou des planches à roulettes, semblent faire des efforts désespérés pour se libérer de leurs entraves. Corps forcés, corps contraints, tordus, enchainés, morcelés, désarticulés, fusionnés. Corps d’hommes et de femmes mêlés comme des jumeaux siamois, héros improbables d’une mésaventure qui les dépasse. On pense aux collages de Max Ernst, aux assemblages de Bellmer, aux dessins de Topor, aux tableaux de Jérôme Bosch…
Mais les vitrines de Carcassonne ont le tracé précis, ironique, distancié, des bandes dessinées des années 50 ou des illustrations anciennes des livres d’écoliers avec leurs lettres, leurs signes et leurs flèches. Ils nous parlent des peurs de notre enfance comme dans un cauchemar familier.
Pour Mohamed Lekleti, l’année 2013 est une année faste. Les expositions se succèdent : au Carrousel du Louvre à Paris, au Salon franco-italien de Turin, puis à Marrakech, dans son pays natal. Il poursuit également ses installations éphémères à Sète, Lodève, Carcassonne, Valence et Coblence.
Lekleti travaille dans un petit atelier bien caché dans les rues du vieux Montpellier. Ses toiles sont immédiatement reconnaissables par la précision du graphisme, la sensualité des modelés, la puissance et la brutalité des images. Vertige de la rêverie, Improbable symphonie, Saisir les contours de la nuit, Terre et cieux sur leurs vastes épaules… Avec une alchimie des corps qui n’appartient qu’à lui, il entraine le spectateur dans un voyage halluciné, à la fois pathétique et lucide.
Photographies : Sylvie Léonard
Hommage à Michel Gueorguieff
Michel Gueorguieff était l'un des acteurs les plus présents de la vie littéraire dans la région. Il n’était pas seulement directeur du Festival International du Roman Noir (FIRN). Infatigable passeur littéraire, il ne cessait d'animer des cafés littéraires. Son maître mot était le partage. Il savait nous passionner pour tous ces écrivains magnifiques dont il avait découvert les livres, des plus modestes aux plus illustres. Et poursuivre longtemps les discussions, au décours d’une rencontre ou d’un festival.
Il défendait aussi la cause des auteurs. Il avait participé à l'élaboration de la Charte des manifestations littéraires en Languedoc-Roussillon. Et il n'en avait pas seulement été l'un des tout premiers signataires, il avait décidé de rémunérer les auteurs qui interviendraient en débat pendant son festival. Une attitude si peu fréquente en Languedoc-Roussillon que beaucoup d'auteurs ouvraient de grands yeux en apprenant la chose. Je me souviens de sa joie quand il m'avait annoncé qu'il avait pris cette décision et qu'il allait la mettre en actes. Pure jubilation. Il savait à quel point les écrivains qui tentent de vivre de leur plume dansent sur la corde raide.
Enfin, ne l'oublions pas, Michel, c'était aussi l'homme du courage politique, celui qui avait osé accueillir et soutenir un auteur de noir particulièrement pestiféré, Cesare Battisti. C'est à Frontignan qu'on a pu voir Battisti en visioconférence, avec le parrainage, toujours indéfectible également, de Fred Vargas.
Joëlle Wintrebert
Photographie : Studiodelemotte,
www.facebook.com/pages/Studiodelemotte/122541777845944
Paysages
PEINTURE
Après la fête, Aurélie Piau
« Cette artiste peint et dessine les formes quasi naïves d’un univers qui ne s’écarte jamais tout à fait de l’enfance. À première vue, le moins que l’on puisse dire au sujet de ses toiles, est qu’elles ne veulent pas sembler abouties, qu’elle jouent de la malfaçon volontaire, au sens où les formes et les couleurs refusent le fignolage. On est donc loin d’une peinture réaliste, d’un reflet fidèle du réel. Pourtant, quand on lui demande ce qui la pousse à peindre, elle parle de politique — ce qui, d’une certaine façon, est le réel dans ce qu’il a de plus trivial. Elle dit de son travail qu’il se joue des mots et des peurs qui traversent notre société… L’enfance est là, présente à l’état de vestige, comme dans une kermesse terminée. Cette ambiance d’après fête — que Fellini savait rendre comme personne — dégage une mélancolie profonde, métaphysique. »
in Après la fête, de Clare Mary, 2012, pour Boum!Bang!
www.boumbang.com/aurelie-piau/ - aurelie-piau.blogspot.fr
De gauche à droite et de haut en bas :
Kdo, acrylique sur toi, 120 x 120 cm;
Les oreilles grandes ouvertes, acrylique sur toile, 80 x 80cm;
Seigneur faites que je garde le pouvoir, acrylique sur toile, 100 x 80 cm, 2011;
Funérailles de Mr l'expert, acrylique sur toile, 38 x 45 cm, 2011;
Game is over ou la fête est finie, acrylique sur toile, 30 x 30 cm, 2011.
PHOTOGRAPHIE
Les rêves semblent fous, Rick Glay
L'homme a la voix douce et il paraît si calme, si discret qu'on n'imagine pas une seconde la profondeur du puits dans lequel il vit depuis longtemps. En vérité, c'est un écorché vif, un tourmenté. L'envie d'abandonner la partie, de tout lâcher rôde en permanence dans son esprit. Seuls, l'acuité de ses rêves et son idéalisme lui insufflent la force de continuer.
Il lui a fallu cinquante ans et un licenciement en 2012 pour prendre tous les risques, tenter de devenir lui-même à travers son art, la photographie. « […] mes besoins de liberté, mes révoltes, mon anticonformiste, mes idéaux tout comme ce besoin permanent de laisser libre cours à la création de l’esprit sont restés intacts et ont forgé, au cours des années passés, ma personnalité d’adulte. Je garde en moi, la rupture de ce monde fou qui ne me convient pas et où je n’y ai jamais trop bien trouvé ma place. »
Rick Glay joue avec les fuyantes, les courbes, les compositions. Il travaille ses images jusqu'à ce qu'elles correspondent à son attente, il leur donne des titres pour être mieux compris — mais n'est-il jamais satisfait ? Toute cette part de lui qu'il met dedans, son âme, son histoire.
F.R.
www-rickglay-com.photodeck.com
De haut en bas et de gauche à droite :
After work
Cerisier
Odysseum I
Brocante du Sablon
Piazzale degli Uffizi II – Firenze
Parutions - août-octobre 2013
août
Bernard LONJON
Colette, la passion du vin, biographie (correspondance), éditions du moment
L’écrivain féministe Colette (1873-1954) a une passion pour le vin depuis l'enfance. Cette épicurienne a donné ses lettres de noblesse à ce précieux nectar. Elle a elle-même produit son propre vin dans ses vignes du Midi et a chanté son amour pour ce divin jus d’octobre qu’elle a consommé sous toutes ses formes et qui a inspiré quelques-uns de ses plus beaux textes.
Nicole BARROMÉ
Effet crépuscule, poème n°89, tiré à part, Atelier de l'Agneau éditeur
Poème composé de treize tercets. Des émotions troubles surgies du passé encombrent peu à peu le paysage.
atelierdelagneau.com
Joëlle WINTREBERT
All clear, traduction de Blitz, tome 2, de Connie Willis, science-fiction, édition Bragelonne
Pris au piège dans la tourmente meurtrière du Blitz, au cœur de l'un des pires raids de la Seconde Guerre mondiale, les trois historiens du futur de Black-out, premier volet du diptyque écrit par l'un des auteurs majeurs du genre aux États-Unis et couronné par les plus grands prix (Hugo, Nebula et Locus), ne risquent pas seulement la mort en permanence. Ils vivent dans la terreur d'avoir modifié le cours de la guerre et permis la victoire d'Hitler. La fin de cet énorme opus fabuleusement documenté sera vertigineuse…
septembre
Michèle BAYAR
Le sac à profusion, théâtre, co-auteure Murielle Laval, éditions e-narrator. Pièce en un acte et sept tableaux destinée à être jouée par des enfants de 9 à 12 ans.
Vous êtes enseignant ou animateur théâtre, vous avez envie de libérer votre créativité et de brûler les planches. Votre troupe est prête à vous suivre, mais vous ne savez par où commencer. Le "sac à profusion" est là pour accompagner vos premiers pas.
Abdelkader EL YACOUBI
Le jardinier d'Arboras, roman, collection Lettres du monde Arabe, éditions L'Harmattan
Boustani quitte clandestinement son pays pour gagner la France dont il a gardé la vision idéalisée de son enfance. D'étape en étape, il découvre des réalités qui le surprennent, le déçoivent ou l'enchantent. Un récit aux accents picaresques, remuant et riche. Un émouvant voyage intérieur.
Denise MIÈGE
Transports en commun, nouvelles érotiques, coauteure Leeloo vanLeeloo, éditions TABOU, éditeur sans interdit
C’est un défi et c’est pousser très loin le délire, l’imagination dans le fantasme et la mystification. Deux femmes Denise Miège et Leeloo van Leeloo se rencontrent sans s’être jamais vues. L’éditeur Tabou a réuni leurs nouvelles en un recueil sous le titre d’une des nouvelles de Denise Miège. Il les mêle, les entrecroise comme on bat les cartes. La table des matières remet choses en place car s’il y a parfois un rapprochement des thèmes, l’écriture de chaque auteure reste très personnelle.
Brigitte SAUSSARD
Petits spectacles à jouer, théâtre, avec 9 co-auteurs, éditions Retz
Il s'agit d'un recueil collectif de 34 saynètes et petites pièces de théâtre destinées à être jouées par des enfants de 5 à 8 ans. Il s'adresse essentiellement aux enseignants et animateurs de jeunes acteurs en herbe. Ce qui n'empêche pas les jeunes lecteurs d'en profiter aussi par eux-mêmes et d'y prendre grand plaisir.
octobre
Raymond ALCOVÈRE
Histoires vraies en mer Méditerranée, essai, Papillon Rouge éditeur
L'ouvrage plonge le lecteur dans une série de 25 récits extraordinaires, véridiques, qui se sont tous déroulés au sein de Mare Nostrum. Naufrages, recherches de trésors, aventures de marins, batailles… rythment cet ouvrage original et inédit.
Parution le 26 octobre 2013
Nicole BARROMÉ
Géographie des pas, poésie, accompagné de 21 photographies d'Ivan Constantin, éditions sous différents supports (web mobile pour tablettes, ordinateurs, epub et papier) www.tituli.fr
L'élaboration d'un deuil à stravers un parcours dans l’Écusson de Montpellier et vers la mer. Quelqu'un, revenu dans la ville, divague au gré d'instantanés et de réminiscences de l'être disparu. Une géographie bien réelle pour mêler fiction, émotion et promenade à faire.
Géographie des pas, morceaux choisis, publication en revue, Voix d'encre n°49, avec 9 co-auteurs, dessins à l'encre de Yann Bagot (tirés de la série Chaos), éditions Voix d'encre
Onze tercets extraits de Géographie des pas, une promenade particulière dans l’Écusson de Montpellier
www.voix-dencre.net