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Conception graphique et webmaster : Pascal Steichen - Rivages Graphiques

Ours

Comité de rédaction : Raymond Alcovère, Anne Bourrel et Françoise Renaud
Comité de lecture : Dominique Gauthiez-Rieucau, Valéry Gabriel Meynadier
Rédactrice en chef  :
Françoise Renaud

Inédits

1 2 3, éclipse !, d'Abdel Hafed Benotman

dédié à Nordine Halli (1970-2010, infarctus)

œuvre de Hamid Tibouchi,

Quand bien même continuerais-tu à faire le mort dans ma vie
Je préfère, moi qui suis encore là,
Parler de moi-même au passé
Plutôt que de toi si présent…

Apeurés de douleurs
Les tissus se déchirent
Deux enfants en bas âge
S’évadent de ses rétines
En un flash certain
Souffle clos
Porte ouverte
La bouche ferme un cri
Et claque le silence
SEUL
Seul avec l’injustice
Tu meurs dans la torture
Qui dure et dure et dure encore
Au travers tout ton corps
Fendu de haut en bas
En moins d’une seconde qu’il ne faut pour me taire
Le tissu de mon cœur se recoud se suture
Attristé de chagrin
Mais qui
Cicatrise déjà de vivants souvenirs

Il y a dans ta mort
Comme un parfum de crime
Et je pense à ta mort
Comme on pense à ces gens
Qu’on ne voit pas mourir
À l’autre bout du monde
Comme au coin de la terre
Si proche d’être ronde qu’il suffit
D’un seul pas en arrière pour en faire le détour.

Illustration : Hamid Tibouchi, élément de la série Fragments minéraux, 2001,
technique mixte sur papier, 130 x 70 mm




Rien que cela, d'Anne-Lise Blanchard

photographie d’Alain Vexler

Elle attend le jeudi avec impatience. Ils se retrouvent sur le quai qui borde le parc, tôt le matin. Les bruits se réveillent, il y a encore un voile de brume. Il fait vif. Elle accentue le coup de pédale. L’ivresse de rouler à sa rencontre tôt le matin. Elle chante à tue-tête. Il est déjà là. Il marmonne. Il a son petit sourire en coin. Ils s’embrassent.
- Je t’attends
- Tu es en avance, non ?
- Oui, si tu y tiens.
Ils longent le fleuve qui s’éclaircit. Aux chicanes elle met pied à terre. Il raille. Puis il énonce quelques plantes des rivages. Il marmonne, de toute façon il roule devant.
- Je n’entends pas ce que tu dis.
- Ah ah, et sourde en plus.
Elle peut faire demi-tour. Les mots acidulés le plus souvent les devancent. Ils se sentent seuls se séparent. Ils sont sortis de la ville. Le soleil est franc, elle a envie de se sentir bien. La place est animée, la boulangerie est ouverte, la pharmacie et le bureau de tabac aussi. Ils adossent les vélos à un lampadaire. Ils choisissent des pâtisseries. Ils rient quand le sucre poudre se disperse sur les clients, des gens du quartier. C’est comme cela qu’ils s’entendent le mieux, sans paroles.

*

Elle ralentit le pas. Elle se laisse distancer, elle n’est pas pressée. Elle regarde tout ce vert, tout ce rose qui se précipite sur le chemin. Une telle éclosion est comme une offrande à l’amour qui la balaie. C’est un chœur chatoyant dont elle veut qu’il persiste. Elle limite son vœu à un an, elle se résigne. Elle n’ose pas être excessive avec le bonheur. Elle le voit enfin qui surgit après un massif de rhododendrons. Elle le regarde avancer d’un pas têtu, paysan. Pourtant aérien. Il lui fait un petit signe de la main. Il avance les mains croisées, les pouces dans les passants des bretelles du sac. Il dépose un baiser dans son cou. Le soleil se fait plus doux sur ses épaules. Avec soin il rajuste son sac. Elle se laisse faire dans une sorte d’extase. Elle aime regarder ses gestes, sa façon de réfléchir en même temps. Rester là à le regarder. Dans la profusion des couleurs. Pour ne pas avoir peur d’une fin.

Photographie : Alain Vexler, Bord du Rhône, Lyon




Sec, de Lucien Claude Brignol

(de la vie endémique du désert malien)

peinture de Robert Lobet

Ici, la terre est partout, fondue dans les murs, dans la poterie. L’air turbulent fait danser ses flammes translucides depuis le sol vitrifié, enveloppant humains et animaux, ondulants. La chaleur en assommoir empêche de dormir. Ici, un temps de sommeil suit toujours un temps de labeur, rythme du repos dont le succès dépend de la maîtrise de chaque séquence. Cet art de vivre date de la nuit des temps. Nul n’en parle, chacun le vit. Ici l’homme prend peu. Il apprend sur la précarité du minimum, du maximum, sur la fugacité du début ou de la fin. Il apprend d’un Mali, contrée d’éternité.
Ici on ne vit ni ne reste, on traverse. Essence d’un nomadisme résidant du temps, non de l’espace.

Le Mali a donc choisi l’art de la marche.
Un pied devant l’autre, l'homme avance jusqu’à dépasser les déserts, jusqu’à combler les vides. Il met tout le poids de sa légèreté à arpenter l’immensité tel un laboureur du vent, inlassable, sans souci de laisser trace. Continuer à aller de l'avant, objectif majeur de sa condition. Le statique est inconnu, seule l’apparence du figé donne le change. Et l'homme marche droit, son ancestrale sagesse veillant à l’essentiel.
Au soir, un brûlot incandescent fait ricaner un thé. Les verres défilent jusqu’à la certitude que plus aucun hôte ne fera ployer les genoux de ses chameaux. La marche du jour se prolonge dans la légende. Ainsi le Mali « chemine son mirage ».

Illustration : Robert Lobet, sans titre, 120 x 120 cm, technique mixte




Géographies, de Michèle Bayar

Handmap d'Elle KayTout au début, dans mes premières lectures, il y a soudain ce lieu où je me détache du mécanisme de la compréhension. En plein milieu d’une page. Pour la première fois, je suis happée par la narration et je découvre avec une joie ineffable, une frayeur délicieuse et une révolte passionnée, les péripéties de l’histoire qui se déroule sous mes yeux. Je sais lire.
Cette lecture-là n’a d’autre objet que de vivre d’autres vies dans d’autres univers. En tout cas, je veux le croire. Le pouvoir de refermer le livre à tout moment est grisant. Je peux me laisser aller à la terreur ou à l’illumination, à la plongée dans un inconnu glauque, j’en sors quand je veux.
Le livre me semble inoffensif. Erreur. Il attend mon immersion volontaire et aventureuse pour m’accrocher, me retenir, guider ma quête de plaisir vers de secrets apprentissages dont le chemin infini traverse l’inépuisable richesse de la langue. Il me rend ensuite à moi-même agrandie de quelques tournures, de quelques points de vue, porteuse de nouvelles géographies.

Illustration : Handmap d'Elle Kay


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Billet

Voyage en Toscane, d'Antoine Blanchemain

Villa Gamberaia, photographie d'Antoine Blanchemain

La Renaissance. C’est venu d’Italie. On sait ça. Quand ? Voyons, le Quattrocento, c’est… le XIVe ? Ah, ça commence en 1500 ? Oui, bien sûr. Florence, il Duomo, son baptistère, la piazza della Signoria… Giotto, peintre, sculpteur, dessinateur et même architecte.  Comme tous les autres, voyez MichelAngelo.
Architectes de jardins aussi, ce qu’on sait moins, pères de toutes ces villas médicéennes nichées dans une mer d’oliviers, à quinze minutes (à cheval) du centre de la ville, autour de Lucques et de Florence : villa Reale Marlia, villa Petraia (Laurent le Magnifique, puis Victor Emmanuel), villa Castello et sa voisine, l’inoubliable Gamberaia.
Munificence des Médicis, qui, pour affirmer leur puissance (eh oui, ils furent les banquiers de nos rois et se payèrent en nous fournissant deux reines régentes) surent en grands seigneurs faire appel aux plus grands des artistes, leur donnant ainsi l’occasion (et les moyens) de devenir eux-mêmes. Quand, pour la première fois, peut-être, la beauté fut célébrée pour elle-même et non plus pour la seule gloire de Dieu. Changement d’époque. Renaissance.
Il ne restait plus à d’autres génies, comme Le Nôtre, jardinier devenu architecte, à l’inverse de ses prédécesseurs italiens, à mettre comme eux son art au service de la puissance politique. Quand la Renaissance n’en finissait plus d’être.

Photographie de l'auteur : Villa Gamberaia, 2010



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Chroniques livres

L'œil à clef, poèmes 1980-2007
de A.-H. Benotman, par Françoise Renaud

Cent pages — avec ou sans titres : L'homme qui a tué/ 1 peine 2 morts / Jour noctune. Et puis les mots : cellules /barreaux / mirador. Les poèmes s'annoncent brefs, jouant avec les espaces et les majuscules. La mort omniprésente, le passé, le désespoir. Pas d'avenir. Peu de personnages sinon la femme et le bourreau.
D'emblée on entend l'expérience de cet homme et on imagine combien tout de sa vie aurait pu être différent s'il n'avait pas connu le cachot pour cause de délinquance juvénile.

Le maton claque sur le néant
la porte vitrée du parloir
et l'ami s'en va comme un veuf.

L'œil à clef (couverture)En fait, ce qui brûle à chaque ligne, au-delà de la ligne, plus encore que la révolte, c'est la souffrance — souffrance liée à l'état de solitude. Le moindre contact lui est insupportable comme le frottement du maillot pour le marathonien. Et c'est à ce degré de mortification que s'attise la conscience du monde, la conscience à 'être au monde'. La peau est une camisole. Et bien sûr que la vie vue d'en face n'est qu'une histoire à dormir debout — une vérité pour tout le monde. Mais quand l'homme captif se fouille jusqu'au sang, son cerveau devient plus vaste que le ciel, alors il gueule la poésie. L'écriture le sauve.

Entre prison et liberté
je flotte
comme un pont.

Ci et là, des éclaircies sensibles avec la mer, le soleil, quelques femmes — image obsédante — aux voiles en linceul, toutes cousines, voire gigognes. Parfois au loin, l'amour — l'espoir ?

Sur ma coque cuivrée d'or et d'argent
un prénom tatoué – le tien – que le sel dévore…

On reste avec la faim d'un autre recueil, plus vaste, fait d'odeurs libres et de corps en amour réunis.

Éditions Domens, 2010




La double vie d'Anna Song de Minh Tran Huy,
par Dominique Gauthiez-Rieucau

La double vie d’Anna Song (couverture)Ombres portées…
Anna, pianiste précoce, se dévoile sur deux partitions aux mélodies distinctes. Nulle polyphonie à entendre, plutôt des morceaux dissonants issus du Couchant et du Levant que l’écrivaine orchestre en alternance.
Du Couchant, elle donne à lire des articles fictifs signés par des musicologues d’une pseudo-presse spécialisée qui crient à l'imposture : les cent deux CD que les milieux éclairés s’arrachent sont le fruit « de manipulations électroniques générées par le mari et manager d’Anna, Paul Desroches, à partir des œuvres de quatre-vingt sept artistes ».
Du Levant, s'élève la voix de Paul, ami d’enfance d’Anna capable d’entendre son toucher unique. Et c’est lui le narrateur qui grandit et vieillit au fil conté de leur histoire d’amour. C’est lui l’illusionniste qui réifie, grâce à un ingénieur du son, les morceaux qu’Anna aurait interprétés si elle n’avait pas été foudroyée par la dystonie du musicien.

En exergue au roman, Paul Eluard : «  Ton ombre qui s’étend sur moi, je voudrais en faire un jardin.» 

L’amour de Paul prête existence à l’onirique Anna, note après note, même si la musique surgit, oui, de l’autre pièce, de l’autre côté de la vie, usurpée, gammes d’après soupirs, alléluia… et sa voix enfle… son œuvre magistrale résonne au-delà de la maladie qui lui paralyse la main, de la mort qu’elle finit par se donner.
Minh Tran Huy nous invite à absoudre Joyce Hatto, musicienne plagiaire confondue en 2007.
L’enfant surdouée, Anna-Joyce cache un autre hétéronyme, celui de l’ingénue Minh Tran Huy, musicienne elle aussi, qui exulte à déjouer les mots caméléon dans le souffle des sons : l’auteure Minh crée son avatar, Anna. Car toutes deux sont petites filles de l’Indochine. Elles ont grandi à l’ombre du ginkgo planté devant la demeure au piano, celle du grand-père qu’elles célèbrent toujours lors du cung, cérémonie de communion avec les disparus.
Ombres sur portées…

Roman, éditions Actes Sud, 2009


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Les oubliés

Alexis ou le Traité du vain combat de Marguerite Yourcenar, 1929, par Valéry Gabriel Meynadier

Marguerite YourcenarLe 8 juin 1903, dans la province de Namur naît Marguerite de Crayencour, future première femme élue à l’Académie française.
En 1929, paraît Alexis ou le Traité du vain combat. Son premier texte, récit à la première personne. On y rencontre Alexis âgé de 24 ans qui écrit à Monique, sa femme, une longue lettre de rupture. Il traduit les silences entre sa femme et lui.
« ... et tout ce silence n’est fait que de paroles qu’on n’a pas dites. C’est peut-être pour cela que je devins un musicien. »
Alexis piste les pauses, les soupirs en cœur de partition, les met en mots. Des mots tremblants, à l’écoute, apeurés de blesser mais intransigeants car la liberté l’attend au point final. Libre d’être soi, c’est ce qu'il veut. Il s’adresse à l’ouïe, à l’Oui de sa femme infiniment respectée, aimée à sa manière à lui.

Alexis (couverture Folio)Déjà Marguerite Yourcenar, de main de maître tient tour à tour stylo et archet. Le lecteur à sa guise ne peut qu’entendre une musique qu’il connaît. Pour ma part, j’y ai entendu la suite pour violoncelle seule n°5 de Bach jouée par l'écrivain où Joie et Tristesse se confondent dans une profondeur digne « de la vie, qui seule nous apprend de la vie ».
Ce livre est un hymne à soi. D’ailleurs, il est dédié : « à lui-même ».  Ne nous y trompons pas, Alexis n’a pas le culte du nombril. À soi, au sens nietzschéen : deviens toi-même. L’acoustique de cette histoire nous enjoint à nous rapprocher de nous, fait de nous un espace où les mots résonnent. Car Alexis ne parle pas que de sa « maladie » jamais nommée. Il est question aussi du couple  et de « l’épaisseur des couches de mensonge ».  Texte sans âge, ce roman nous rappelle oh combien « tous nous serions transformés si nous avions le courage d’être ce que nous sommes. »

Chez Gallimard, 1929 - Folio, 1978



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Chronique Art

Marthe Kalifa - Les avatars du quotidien,
par Claude Darras

Sous son regard puis sur la toile, Alice truque les lames du jeu de cartes pour ne laisser subsister que l’as de cœur ; les pierres volcaniques de Sanaa se mettent à raconter des histoires de pasteurs yéménites ; le coquelicot empêche le temps de couler trop vite à travers le sablier des friches ; des gastéropodes tiennent concile à l’abri d’une forêt du Berry avant de prendre la poudre d’escampette ; auprès d’une sculpture de Chen Zhen, une danseuse au pantalon rouge fait lever les chaises au gré d’un ballet loufoque…

: L’arbre à direLa photographie fige l’instant, l’individu ou la chose qui ont happé un œil plus effilé qu’un scalpel. Au terme d’une lente maturation — qu’elle qualifie du joli vocable de « jachère intérieure » —, acryliques et pastels, liés au médium numérique, métamorphosent l’image originelle et lui donnent un nouveau sens, une présence inattendue, une profondeur providentielle. Marthe Kalifa braque son objectif sur tout ce qui l’émeut. « Je ne crois qu’à l’émerveillement », s’excuse cette psychologue qui a vécu une enfance parisienne dans les musées de beaux-arts, Lisboa rêveet c’est bien sa règle de vie, l’enchantement, qu’elle se perde au milieu du chantier de la gare de Montpellier où elle réside ou reste éblouie par le hiératisme d’une sphinge canine au balcon d’un immeuble désuet : le quotidien, quand il est scruté avec une telle attention, recèle des trésors.
Le spectateur se méprend sur le sens ou la forme de ces figures multipliées mais jamais pareilles. Il croit s’y refuser de bonne foi ; et soudain tout se révèle. La beauté l’emporte. L’admiration favorise l’amour des esprits.

Illustrations : L’arbre à dire et Lisboa rêve, technique mixte sur
papier imprimé, marouflé sur toile, 60 x 60 cm, 2007
Lisboa rêve illustre la couverture de l’ouvrages d'art de Claude Darras,
Ateliers du Sud - L'aventure intérieure
(éditions Gaussen, 2008)



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Entretien

L’ivre d’artistes, entretien avec Robert Lobet, éditions de la Margeride, par Raymond Alcovère

Robert Lobet

Peux-tu définir ton travail ?
Je suis avant tout artiste. Je préfère utiliser ce mot avec prudence car il est galvaudé, mais je reste créateur statutairement et fondamentalement (inscrit à la Maison des artistes et vivant de son travail). Je suis peintre, graveur, sculpteur et éditeur de livres d'artiste. Je pratique tout ceci (peinture, gravure), passant constamment d'un domaine à l'autre.

Les livres d'artistes ont pris une place grandissante dans ton travail ;  comment et pourquoi ?
Je m'applique à créer des livres d'artiste accessibles au plus grand nombre. Je fais des tirages de 60 à 100 exemplaires (jusqu’à 230 pour un titre en arabe, français et hébreu) avec des moyens très artisanaux, et surtout assez bon marché (de 20 € à 35 € pour les éditions courantes, numérotées et signées). Et cela intéresse pas mal de monde. Les passerelles étant constantes entre peinture et livres ou gravure, l'un entraîne l'autre sur des thèmes ou de nouvelles idées. Ajouté à cela, ma curiosité pour les techniques "mixtes" ou la cuisine d'atelier et pour l'imprimerie ancienne.
Le livre est un support plastiquement très souple et riche ; on peut tout imaginer ou presque, c'est très ouvert dans la forme et dans le fond. Le livre d'artiste est la courroie de transmission de la plus grande partie de ma création, au plan de l'imaginaire et du désir de créer.

livre d'artiste

Quelle place tient la littérature dans ta vie et dans ta création ?
Essentielle, mon travail actuel est la réalisation de mes rêves de gamin, à propos des livres. Je crois qu'avec une bonne bibliothèque, on a l'essentiel. Par contre je déplore de n'avoir pas les moyens de lire et de prendre le temps d'explorer tout ce que j'aimerais. Vouloir vivre de ce métier est contraignant et prend énormément de temps (les livres sont faits en grande partie à la main), j'ai du mal à tenir pied à tout.

Comment vois-tu l'évolution actuelle du livre d'une part et des arts plastiques d'autre part, et comment te situes-tu dans ces évolutions ?
Je veux croire que le livre d'artiste, assez "à la mode" en ce moment, peut tenir une place dans les évolutions du livre. On est dans une phase de changement profond, et on fera avec. Il y aura une place pour des choses différentes, comme les livres d'artiste qui portent des textes mais aussi des œuvres graphiques de qualité, et abordables, que les galeries ne proposent plus tellement (les galeries souffrent beaucoup en ce moment). Sur le plan de l'art actuel, la création prend des formes multiples et il est parfois difficile de s’y retrouver, surtout pour le public. L'art conceptuel et nombriliste m'ennuie. Je suis sans doute plus "moderne" que contemporain, et je ne m'en porte pas plus mal.

Sur l’île déserte, quel(s) livre(s) et quel(s) tableau(x)
emporterais-tu ?

Un catalogue raisonné des gravures de Jean-Pierre Pincemin, une toile de Pierre Alechinsky, et le traité de Shitao Les propos sur la peinture du moine citrouille amère. Sans oublier la collection de la Pléiade, de l’encre de chine, du papier, des pinceaux…

Robert Lobet

Éditions de la Margeride - www.robert-lobet.com - robert.lobet@wanadoo.fr


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Événement

Alain et Nadine, par Jean Azarel

Alain Corneau et Nadine Trintignant

Le 6 juin 2010 à 18 h, entre deux allers et retours à l'hôpital pour rendre visite à son compagnon Alain Corneau, Nadine Trintignant a bien voulu me recevoir pour évoquer Tina Aumont qu'elle est l'avant-dernière à avoir fait tourner (Victoire ou la douleur des femmes, 1999). Malgré l'inquiétude dont elle ne laissait rien paraître, la présence de son fils Vincent en partance le lendemain pour le Maroc, elle m'a accordé plus d'une heure d'interview, parlant avec délicatesse et attention, parfois avec fermeté, de Tina, du cinéma, de la littérature qu'elle pratique désormais, mis complètement à l'aise alors que j'avais une pétoche monstre.
Comme tout le monde, j'ai appris hier le décès d'Alain Corneau. Dans le journal d'aujourd'hui qui retrace son itinéraire, il y a une photo. Nadine Trintignant a la main posée sur l'épaule d'Alain qui salue on ne sait qui. Cette photo est belle car contenue, simple, profondément humaine. Mme Trintignant a ce sourire si particulier qu'elle a esquissé plusieurs fois lors de notre entretien de juin.
Je n'ai pas tous les films d'Alain Corneau en tête, mais trois m'ont laissé un souvenir impérissable. Série Noire (1979), polar glauque où un Dewaere époustouflant donne la réplique à un Blier « cloaqueux », et où le cinéaste donne son premier vrai rôle à une gamine de 16 ans du nom de Marie Trintignant. Nocturne Indien (1989), subtile dérive exotique sublimée par la musique de Schubert, entre Marguerite Duras et Wim Wenders. Enfin Tous les matins du monde (1991) sur lequel tout a été dit.

Comme Nadine Trintignant, signataire en son temps du manifeste des « 343 salopes » déclarant avoir avorté dans la France pompidolienne, Alain Corneau était un homme d'engagements, militant politique, humaniste, et fervent défenseur du cinéma d'auteur....
Mes pensées vont vers lui et vers Nadine Trintignant qui, après avoir perdu deux enfants et un frère, voit partir son compagnon, tous dans des conditions qu'on peut qualifier de brutales.
Il ne sert sans doute à rien d'admirer les gens admirables, sûrement vaut-il mieux ressentir à leur égard de la considération et une grande fraternité.



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Arts plastiques

Éclipses, photographie astronomique,
de Jacques Joffre

Jacques Joffre, enseignant-chercheur en chimie théorique, découvre la photo dans les années 1970 lors d’un séjour au Maroc. Emerveillé par le pays, il pratique le reportage d’illustration (ses photos sont diffusées par l’agence Explorer). Dès les prémisses de l’imagerie numérique il opte pour cette technologie et s’engage dans la photo panoramique à 360°. Les problèmes de contraste le déterminent à concevoir Photomatix, un logiciel qui traite la lumière en HDR (High Dynamic Range : grand écart de dynamique lumineuse). Il s’oriente alors vers la photo astronomique.

Éclipse de lune du 21 février 2008

Éclipse de lune du 21 février 2008.
L'éclipse de lune se produit lorsque lune, terre et soleil sont parfaitement alignés. La photo a été prise au moment où l’ombre de la terre masque en partie la lune (phase partielle de l'éclipse totale). L'image traditionnelle proposerait un simple croissant de lune. Grâce au HDR on découvre la partie située dans l’ombre de la terre ; les couleurs y sont comme tamisées de rouge ocré et on perçoit les détails de la surface lunaire. Si on était sur la lune on assisterait à une éclipse de soleil, la terre toute noire cachant le soleil ! 

Éclipse de soleil du 11 juillet 2010

Éclipse de soleil du 11 juillet 2010.
Ces prises de vue ont été réalisées à l’île de Pâques par l'astronome Jean-Marc Lecleire. Jacques Joffre a réalisé le montage et le traitement d’une sélection de 11 photographies pour obtenir l’image finale. Les photos ont été alignées par rapport à la couronne solaire, et un traitement contre l’apparition d’images fantômes a été appliqué à la lune car en cheminant elle avait semé le trouble et occulté les belles protubérances du soleil !

en complément :
photo 1 - www.astrosurf.com
photo 2 - www.astrosurf.com
www.joffre.com/jacques/
Photomatix - www.hdrsoft.com/fr/

 




Rues et ruelles, aquarelles, de Catherine Rossi

Mosquée de Tlemcem (aquarelle)

Le marchand de figues (aquarelle)

Ci-dessus : Mosquée de Tlemcem.

 

Ci-contre : Le marchand de figues

 

En-dessous : Oran, rue de l'Indépendance

Dessin noir, perspective rigoureuse, point de fuite et point de hâte. Les pigments en poussière d’or fondent dans l’eau et fuient dans le coton de la feuille, s’accrochent et sèchent.
Du sort final de l’œuvre, l’artiste ne sait rien.

Soumis au sens du vent, à l’humidité et à la température de l’air, le geste s’exécute dans l’ignorance de son devenir. Ce qui est fait est fait. Ce qui est bon reste, le mauvais disparaît. Le seul repentir possible est la destruction à laquelle l’aquarelliste ne cèdera pas sans réfléchir.
« Quand j’ai su que je n’étais pas le plus clairvoyant d’entre vous, j’ai clos mes paupières et je n’ai vu personne. » (Gamal Ghitany, Le livres des illuminations, Seuil 2005).
Car c’est de cela qu’il s’agit, que la lumière soit sur le papier dans l’évidence ou bien que tout à jamais s’efface. Papier déchiré dans un crissement de renoncement.
Ainsi l’aquarelle sied aux ambiances diaphanes, aux humeurs poudreuses des rêves qui jaillissent sous nos yeux, à l’éphémère de l’instant.

Déjà le temps passe et la lumière change, déjà l’ombre s’avance.

Oran, rue de l'Indépendance (aquarelle)

Site de l'artiste



 

Autour du carré, illustrations d'Alex Evang

Recoins de palais (crayon et encre)Fenêtre sur clocher (brou de noix)

Après des études de dessin — option BD à l'Institut St-Luc de Bruxelles — et un parcours en librairie, Alex Evang décide de se consacrer à l'illustration en 1998. Il s'essaie à toute technique qui suscite son intérêt. Si l’on devait voir dans son travail une ligne directrice, on ne la trouverait pas du côté de la technique, mais plutôt du format : le carré.
À plat ou de biais, en losange, le carré est un espace passionnant à travailler : il offre des libertés, mais encore davantage de contraintes. 
Cet intérêt pour la forme lui vient de son affection pour le peintre abstrait Piet Mondrian, dont il a repris un tableau sous une technique qui lui tient à cœur : la mosaïque « picturale ».
Ses sujets de prédilection sont l'histoire et l'architecture.

Mosaïque du paon (dessin)

Mosaïque de la spirale (dessin)
De gauche à droite et de haut en bas :

Recoins de palais
, 2004, crayon blanc et encre sur carton

Fenêtre sur clocher
, 2004, brou de noix

Mosaïque du paon, d’après une mosaïque antique de Vaison-la-Romaine, 2008-2009, dessin encre et couleur informatique

Mosaïque de la spirale
, d’après une mosaïque antique retrouvée à Orange (disparue aujourd'hui), 2008-2009, dessin encre et couleur informatique

 

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