Être en poésie (2), de François Szabo

Paru dans l’Étrave n°283, septembre-octobre 2024, publication bimestrielle de Poètes Sans Frontières (revue papier)

Être en poésie c’est d’abord rester vivant, c’est célébrer la vie inlassablement, c’est créer un univers viable, c’est tracer des lignes convergentes, c’est s’émerveiller et émerveiller tour à tour, c’est exprimer ce qui ne se peut autrement, c’est user d’une langue étrange-étrangère, c’est exprimer un message, c’est retransmettre cela qui tient à la fois de la nature et du sublime, du prosaïque ou du sacré.

C’est également avoir accès à l’œuvre de Ramon Llull, appliquant chaque jour une métaphore morale. Écrire de la poésie c’est surtout déterminer la cinématique du poème : tout ce qui donne cohérence et sens. Discipline et pratique, lecture et création, uniques schémas de l’œuvre poétique en cours.

Puisque penser à l’autre est constitutif de l’œuvre littéraire, il n’y a jamais d’écart entre le texte et le destinataire, entre le poète et la muse, entre le duo formé et le sens réel du message.

C’est engager sa vie vers cela, à venir, à imaginer un futur construit patiemment, plein d’imagination et de ferveur.

Enfin c’est le meilleur moyen d’être en harmonie, la solution ultime pour l’apaisement et le réconfort, la délivrance et la réalisation.

Successive à la lecture, l’écriture est la réponse à toute ontologie, chaque poète le sait de manière inconsciente ou consciente, rêve éveillé, rêve permanent, univers choyé, demeure confortable et accueillante, Telle est donc cette demeure où le poète est niché et d’où il s’adresse.

 

Être en Poésie, de François Szabó

un article de François Szabó paru dans L’Étrave n°281, mai juin 2024
publication bimestrielle de Poètes Sans Frontières (revue papier)

 

Être poète implique à la fois une certaine discipline et une offrande au monde. Exigence de tous les instants, ici la médiocrité n’a pas sa place. On n’est pas poète à moitié ni par intermittence. C’est un métier de vivre, tel que l’énonce Cesare Pavese, c’est une profonde immersion dans la responsabilité qui ne peut être qu’assumée. C’est aimer sans compter, c’est donner sans reprendre, c’est un acte de foi, c’est une exigence sublime.

La Poésie est également le domaine de tous les possibles, car l’élan créateur est le lien de toute floraison et fructification, la poésie est un printemps toujours réitéré.
C’est ardemment affirmer la tendresse comme origine de toute humanité accomplie, de toute manière d’œuvrer au monde.
Si pour Eeva-Liisa Manner, le monde est le poème de mes sens, la solitude est le creuset de l’œuvre poétique :

À quel point la solitude peut se propager de moi, les buissons périssent, les arbres s’enfuient et les martres, les martres.
La froidure de la nuit s’éloigne lentement toujours plus comme la frange d’un glacier et recouvre les petits corps. Les arbres au-dehors soutiennent la vacuité, la solitude comme une pierre passe d’arbre en arbre Infinitude et neige.

Et comme tout philosophe affirmer La Sagesse de l’Amour.
C’est aussi le sens orphique de l’amour qui sauve les âmes de l’errance. Et tel Czesław Miłosz tout mettre en œuvre. Si tel Pierre Reverdy, le poète écrit pour se réaliser, il est redevable à ses prédécesseurs et à l’écoute de ses contemporains. Heureusement il reste des vocations et cela est plutôt réjouissant.

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