L’Alphabet de ma vie, de Claude Ecken

L’Alphabet de ma vie, Ours éditions, collection 22 222, juin 2020 (2€)

 

L’autobiographie d’un roboticien déclinée de A à Z.

A lire dans l’ordre qu’on veut, tant il est vrai que toutes les époques se bousculent lors de bavardages, au détriment de la chronologie.

 

EXTRAIT

SENSORIALITÉ

Saisir ses jouets dans le parc ou ramper à quatre pattes dans le salon :

Hugo explore son environnement, dit Gaëlle. Je lui réponds qu’il expérimente plutôt ses capacités sensori-motrices, comme il teste, en portant tout à la bouche, la variété des réponses gustatives plus que le goût de l’objet. Soudain, j’embrasse mon fils et sa mère, ravi par ce qu’ils m’ont inspiré.

Je sais dans ma chair quel objet connecté est mien. J’ai repensé à la question de Séverine. Qu’en sait l’objet ? Une machine incapable de changer de propriétaire pour avoir trop longtemps appartenu à un autre n’a pas plus développé un début de conscience qu’un canapé déformé au fil des ans. Pour devenir un même organisme, l’entité pensante et son extension doivent faire ensemble leur apprentissage et ne pas dépendre d’une programmation sophistiquée. Question de réciprocité.

chez l’éditeur

 

Trois histoires un peu noires, de Janine Teisson

Trois histoires un peu noires, trois courtes nouvelles, collection 22 222, Ours édition, 2020 (2€)

Trois p’tites tranches de vie qui traversent la nôtre, juste des moments capturés délicatement dans le filet à histoires de Janine Teisson. C’est sûr, l’épingle qui les fixe dans la vitrine de ce recueil pique un peu, mais bon… C’est si bien présenté.

 

EXTRAIT – in Insomnie

Quand vous êtes venu l’été dernier demander si vous pouviez prendre de temps en temps un bidon d’eau au robinet du forage pour arroser vos légumes et abreuver vos poules et que vous nous paieriez en nature, il a dit non, pas question. Vous avez dit excusez-moi avec un sourire. Comme si cela n’avait pas d’importance. Il n’y avait ni humilité ni rancœur dans votre attitude. J’en ai été contente. Moi j’ai baissé la tête quand vous avez dit : « en nature ». Et si je montais demain jusqu’à votre mazet ? Si je venais vous dire, sans baisser les yeux : « En nature, oui, s’il vous plaît. » Vous auriez votre sourire nonchalant, lèvres prune.

 

chez l’éditeur

 

Po.ms, de Janine Teisson

Po.ms, recueil, collection 22 222 poésie, Ours éditions, septembre 2020

 

Délicieuse dresseuse de mots, Janine Teisson nous entraîne dans une farandole de sonorités et de lettres, à consommer sans mot dérations !
Qu’est-ce que c’est que ces Po’Ms? 9 poèmes farfelus, poèmes pour rire, pour jouer avec les mots, pour les envoyer en l’air, des poèmes à dormir debout, qui ne mangent pas de pain et  ne manquent pas d’air.
 
 
 

EXTRAITS

Lettre M

Tu veux
un po M?
Un po M du dix neuviè M
Ou du vingt et uniè M?
Un po M de Boh M?
Enfermé dans une gè M?
Un po M que tu aiMes
comme je t’M?
Ce sera très difficile,
je t’avertis.

 

La charcutière

Elle a couché tous ses lardons,
elle a lavé leurs pieds de cochons,
mais ce ne sont pas des gens bons.
A force de faire des sauts six sont KO.
Le dernier fait sa tête de lard.
Mes Jésus, ne me cassez pas les rognons,
leur dit-elle en leur tapant sur le museau.
Ils s’endorment en faisant rillettes,
alors elle se passe du fard à paupiettes,
bichonne son sein doux sous la bavette,
s’inonde de parfum numéro 5 de Quenelle
et va au bal des petits boudins blancs.

 

La brebis grise, de Francis Zamponi

La brebis grise, nouvelle, collection 22 222, Ours éditions, octobre 2020

Qu’allait donc faire le rigoureux pasteur américain Zacharius Franklin Jenkins à la feria de Pampelune ?
Un texte noir à la sauce Zamponi.

EXTRAIT

« – Bien sûr. Si cela vous tente, je vous recommande le rabo de toro. C’est une recette andalouse mais il y a aussi les criadillas, ce sont des…
N’osant être plus explicite sans choquer mon pasteur, je me tais.
– Vous me disiez que ces criadillas sont ?
– Et bien, mon révérend, il s’agit, comment vous dire… d’un plat composé de… de parties génitales du taureau.
– Ne soyez pas pudibond. Vous auriez pu me dire cojones. Vous croyez que mes Mexicains n’emploient jamais ce mot ?
– Et bien les criadillas sont les cojones panées et frites du taureau. »

 

chez l’éditeur

L’inconscient cognitif, d’Henri Lehalle

L’inconscient cognitif, essai en sciences humaines et sociales, collection 22 222, Ours éditions, septembre 2020

S’il est facile de repérer les émotions qui accompagnent nos décisions et nos jugements, leur composante logique nous échappe le plus souvent. Pourtant, il paraît que nous sommes des homo sapiens, non ?

 

EXTRAITS
« Tous les jours, et même plusieurs fois par jour, nous devons décider, choisir, évaluer. Pour autant, avons-nous véritablement conscience de ce qui détermine nos jugements ? Paradoxalement, il semble plus facile d’identifier les aspects émotionnels de nos décisions, plutôt que de se représenter les raisons cognitives de leur élaboration.
(…)
Et pourtant, il serait tout aussi utile, humainement et socialement, de repérer les critères logiques qui orientent nos opinions, nos croyances, nos actions, dans des contextes très divers : voter, signer une pétition, faire du sport, suivre un régime, obéir ou non aux injonctions d’un guide spirituel, etc.
Jadis, à l’occasion d’une conférence donnée à l’invitation de la Société américaine de Psychanalyse, Jean Piaget a parlé d’inconscient cognitif. Il citait à ce propos une sorte de boutade formulée par Alfred Binet : « La pensée est une activité inconsciente de l’esprit », boutade dont Piaget donne l’interprétation suivante : « si le moi est conscient du contenu de sa pensée il ne sait rien des raisons structurales et fonctionnelles qui le contraignent à penser de telle ou telle manière, autrement dit du mécanisme intime qui dirige la pensée » (1970/1972 p. 9).
Or, nous commençons à mieux connaître non seulement la nature de ces déterminants structuraux mais aussi la dynamique de leur construction et même de leur prise de conscience à plus ou moins long terme.
(…)
En résumé, les structures psychologiques(…) sont le fondement des significations. Au lieu de rester prisonniers des apparences et englués dans les impressions premières, nous parvenons à relier structuralement nos connaissances et donc à les actualiser dans le présent des contextes qui les sollicitent. Quelle bonne surprise : structurer, c’est se libérer ! »

 

Ours éditions est une “maisonnette d’édition” située à Puéchabon (Hérault)
22 222, c’est une collection de textes de littérature (noire, blanche, multicolore…) et d’essais en sciences humaines et sociales, chaque ouvrage tient sur une page A3 pliée en un cahier de 16 pages (couverture comprise).
Vingt deux mille deux cent vingt deux, c’est le nombre de caractères qui remplissent sans (trop) déborder 12 pages de texte en police Linux Libertine corps 10 étroitisé à 90%.
Des livres à finir soi-même, à l’ancienne, au coupe-papier ou au couteau de boucher… Une vidéo explicative est en ligne en page d’accueil du site.

 

chez l’éditeur

 

L’enfant du lignage, de Joëlle Wintrebert

L’enfant du lignage, fiction, Ours éditions, septembre 2020

Quel ado serait prêt à se laisser confisquer son avenir ? Après la pandémie qui a décimé l’humanité, les survivants se sont rassemblés dans une enclave. La génétique s’est muée en arme aux mains de quelques-uns. Mais pour ceux qui résistent en secret, elle est une ressource. Combler les trous béants dans votre histoire vous permet de comprendre l’Histoire dont vous êtes issu.

 

EXTRAIT
Le principe du grand amour, c’est qu’il te conduit à suivre l’autre n’importe où, fût-ce en enfer.
Les jours ont passé. Dix fois, vingt fois, j’ai quitté l’immeuble que nous avions restauré puis colonisé sur les quais, et je me disais : cette fois, c’est la bonne, je trouve le courage de te dénoncer, pas question de rentrer.
Dix fois, vingt fois, je suis rentrée. Je ne t’avais pas dénoncé. Je m’enfermais entre mes quatre murs et je pleurais de rage. Te livrer m’amputerait d’une trop grande part de moi, il ne me resterait qu’à mourir. Et la vie m’est devenue précieuse depuis que je la sens frémir au plus profond de ce corps qui voudrait disparaître.
Par ailleurs, voir jour après jour le monde se dégrader autour de moi me désespère. Combien de temps leurs enclaves protègeront-elles les privilégiés ? Quand le sol qui vous fait vivre s’asphyxie, quand l’eau que vous buvez s’assèche, quand l’air que vous respirez s’empoisonne, la mort se profile.
À présent, Christo, je peine à ne pas te donner raison quand tu assènes : « Faut-il attendre pour agir que les guerres de l’eau deviennent en plus des guerres de l’air ? »

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