La Plume de Frédérique, hommage à Frédérique Hébrard par Hervé Pijac, 11 septembre 2023

Frédérique Hébrard vient de nous quitter, à peine quelques mois après son cher Louis[1], tous deux à l’âge de 96 ans et après 74 ans de mariage fusionnel. Un exceptionnel viatique !

C’était une grande dame de la littérature qui a réussi à construire une œuvre prolifique à la fois populaire mais riche de culture et d’une véritable profondeur humaine.
J’ai eu le bonheur de bien la connaître et s’il est vrai qu’elle savait se montrer enjôleuse, elle faisait toujours preuve d’une extrême bienveillance et de fidélité en amitié. Ces qualités et son attachement sincère et intense à la Cévenne et à ses gens – tout comme André Chamson, son père – m’avaient incité à profiter de notre estime réciproque pour solliciter une interview qui m’avait été demandée pour le numéro spécial Littératures de la revue Causses et Cévennes[2].

En hommage à cette amie disparue, je voudrais proposer un extrait de l’article alors publié, titré La Cévenne au cœur, où est évoqué le fondement de tout écrivain : l’écriture.

 

Frédérique Hébrard au cœur des Cévennes dans sa maison des Broussous au pied de l’Aigoual – Photo ©Hervé Pijac 08/2004.

Extrait

(…) Je souhaite maintenant aborder l’écriture : tout d’abord, écrivez-vous beaucoup (ou souvent) en Cévennes et cela est-il important pour vous ?
J’écris partout ! Et, paradoxalement, pas particulièrement en Cévennes car, lorsque je suis ici, je suis sollicitée par beaucoup de choses : les recherches que j’effectue pour mes prochains livres, les rencontres et… les obligations liées à la bonne marche d’une maison. Nous sommes une douzaine de personnes presque en permanence ici en été !

En quoi les Cévennes influencent-elles votre œuvre, qu’elle soit cévenole ou non ?
Pour répondre à votre question, je voudrais citer mon père : « J’ai passionnément aimé la montagne. C’est elle, d’abord, qui m’a fait sentir les beautés de la nature. Elle a été la toile de fond de ma vie. Elle a même été pour moi comme le fondement naturel de toute une morale. J’ai vécu dans la mystique de ses mouvements ascendants qui convergent vers les sommets. Encore aujourd’hui, devenu plus sensible aux autres aspects de la terre, à la plaine, à la mer et aux cités, je vois en elle une zone privilégiée, un lieu sacré fait pour la sérénité et la plénitude. De tous les sentiments que je porte en moi, c’est sans doute le plus primitif et je baigne, par lui, dans un univers qui n’a pas encore d’Histoire. »3 Je ressens totalement ce qu’il écrivait alors.

Quels sont vos livres que vous qualifiez de « vraiment » Cévenols ?
Ceux à venir !
Comme je vous le disais, je me sens désormais la Mémoire, je dois transmettre. J’ai besoin de la vérité, de l’essentiel, des Cévennes !
Mon prochain livre (NDLR. Les Châtaigniers du Désert, parution avril 2005 chez Plon) sera très marqué par ma Cévenne, par la spiritualité. Par le protestantisme, bien sûr, dont je suis imprégnée mais aussi l’œcuménisme qui semble se développer ici et se manifeste de nombreuses façons…
Pour répondre complètement à votre question, je vois, dans mon œuvre, trois livres qui sont incontestablement Cévenols : Félix, fils de Pauline qui est la rencontre, dans la déchirure du temps, avec mon grand-père Félix Mazauric, de Valleraugue, que je n’ai hélas pas connu ; La Protestante et le Catholique, écrit avec mon mari, qui trempe forcément ses racines dans la Cévenne protestante, et Esther Mazel, parce qu’elle est la fille de la Cévenne des Justes… Lire la suite…