Les littératures de l’imaginaire, avec Joëlle Wintrebert, au Gazette café à Montpellier, 28 mai 2024

Occitanie Livre & Lecture et Radio Aviva propose un café littéraire

le mardi 28 mai 2024 à 18 h 30, au Gazette Café à Montpellier

 

LES LITTÉRATURES DE L’IMAGINAIRE

en partenariat avec Occitanie Livre &Lecture

Joëlle Wintrebert, Olivier Martinelli et un libraire de Sauramps vous font découvrir science-fiction, fantastique et fantasy.
Animation :  Perla Danan, présidente de Radio Aviva.
 

Lien vers l’évènement ici
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Peaufiner ses écrits, par Joëlle Wintrebert, mai 2024

Trouvé sur Quora, cet « Indice d’un roman médiocre » de Cyril Destoky, qui liste un nombre d’items incroyable à surveiller quand on écrit un livre.
Attention, bien lire l’introduction et la coda  : l’auteur précise bien que ce sont des pistes, et que la présence de l’un ou l’autre ou de plusieurs des items n’implique pas du tout que le roman soit médiocre.

Lire ici Cyril DESTOKY Indices d’un roman médiocre

Tant qu’on y est, voici un texte sur la réécriture d’un texte, que l’on pourra compléter à loisir (j’ai ajouté les prépositions).

Lire ici L’Art de la Réécriture en 4 étapes de Nadia GOSSELIN 

 

Les Olympiades truquées, de Joëlle Wintrebert

Les Olympiades truquées, roman, collection Les Poches du Diable, Au diable Vauvert (réédition), mai 2024

 

Dans un avenir proche où le clonage humain et les manipulations biogénétiques sont désormais courants, les Jeux Olympiques sont à la fois vitrine et métaphore de la puissance humaine : champions et championnes doivent vaincre à tout prix, quelles qu’en soient les conséquences…

Deux jeunes femmes, Sphyrène, championne de natation, et Maël, clone d’une compositrice virtuose, affirment pourtant, envers et contre tous, leur droit à la liberté et au respect de leur corps et de leur vie de femme. Rien ne les arrêtera.

 

 

EXTRAIT

Il y a cette rotonde incroyable, pierres apparentes et tentures de velours écarlate chamarré d’or. Sur et devant les murs est alignée comme pour une parade une collection d’instruments et d’appareillages destinés à des plaisirs sadiques.
Et puis, vautrés dans leurs sofas noirs, tous ces hommes, vêtus de toges rouges, qui me regardent. Pas de femme. Si, une, au fond de la rangée, là-bas. Mais est-ce bien une femme ?
J’ai le trac. Je sais ce que je dois faire. Comme d’habitude. Facile à dire. Je ne connais pas cette Loge et mes mains tremblent. De peur. De faim aussi. Cela fait une semaine que je lutte pour échapper à l’engrenage, et sans représentation, pas d’argent.
Pourtant, ce n’est pas la faim qui m’a conduit en ces lieux. Non. C’est cette soif éperdue d’une dépense physique exaltée par la souffrance. Et je ne peux plus la trouver ailleurs, désormais.
Malgré moi, je frissonne. L’espace d’un instant, saisi d’une incoercible envie de fuir, je crois que je vais me ruer vers la sortie ; évidemment, je me domine. La peur fait partie du jeu.
On ne fait pas attendre les Sadmas. C’est une règle absolue. Un contrat accepté doit être honoré, sans temps mort, sans retard.
Lentement, comme on me l’a appris, je me coule hors de mon peignoir, exhibant l’un après l’autre chacun des muscles qui transforment mon corps amaigri en un arbre noueux. Puis je m’approche de l’estrade où m’attend ma « victime ». Un hors-d’œuvre, l’homme est incroyablement efflanqué.
Le silence se fait dans la salle tandis qu’un roulement de tambour annonce ma prouesse.
Les organes génitaux de l’homme sont déjà très étirés. Je n’ai aucun mal à m’assurer une prise solide sous les testicules et à hisser le malheureux à bout de bras, d’une seule main.
Des applaudissements me saluent. Mais le spectacle ne fait que commencer. Je sais que les corps à soulever seront de plus en plus lourds. Je sais que je devrai bientôt mobiliser tout mon apprentissage d’haltérophile. Voilà pourquoi je continue à hanter les loges des Sadmas. Je veux me prouver, contre l’Institution qui m’a rejeté, que je suis capable d’améliorer encore mes performances.
Quand arrive le clou de la soirée, un homme énorme, obèse, qui doit bien peser deux cents kilos, j’hésite. Un voile rouge aveugle mes yeux, ma tête est en feu, mes muscles si contractés qu’ils sont agités de spasmes incontrôlables. Les huées de mon public me remettent en selle.
Pinçant au hasard dans la masse de chair de mes mains transformées en tenaille, j’arrache mon partenaire qui couine son plaisir douloureux. Je le maintiens en l’air une seconde, au-dessus de moi.
Brusquement, c’est comme si le dernier ressort qui me tenait tendu lâchait. Je m’effondre. L’haltère vivant m’écrase.

Lorsque les Sadmas eurent retourné le corps du sportif déchu, ils constatèrent, dépités, que l’expression pacifiée de la mort suppléait la grimace de souffrance qu’ils s’attendaient à déchiffrer sur les traits de l’homme.

 

Couvées de filles de Joëlle Wintrebert

Couvées de filles, nouvelles, Au diable vauvert, octobre 2023
Illustration de couverture : Philippe Caza

Voyages dans des mondes parallèles, arches écologiques, créatures charnelles séductrices, grenier hanté, cités mystérieuses ou futures, sociétés matriarcales, transferts de corps : seize nouvelles représentatives d’un long parcours d’écriture.

 

EXTRAIT de la nouvelle intitulée Crépuscule

Debout. Droite au milieu du champ. Pieds nus dans l’herbe, éprouvant sa douceur printanière et humide. Ses jambes écartées s’enracinent. Son vieux cœur exténué bat en harmonie avec l’infime vibration de la terre. Le soleil la tient. Par bouffées, le Cers la bouscule, chargé d’arômes. L’odeur verte des pins s’y mêle à l’or sucré des fleurs de coronille. Elle hume fort, se dilate, ses bras s’élèvent…
Ses mains, ses noueuses mains que prolongent les longues rémiges fixées à ses poignets dansent autour d’elle un étrange ballet de signes. Puis le mouvement s’amplifie, s’accélère, elle s’est dressée sur la pointe des pieds comme pour un envol, enfin son cou se casse et de son visage tendu vers la nue part un cri miaulant qui s’étire.
« Ouièèh ! » répond la nue.
Elle sourit, extatique, quand elle sent passer sur ses yeux clos l’ombre du prédateur qu’elle vient d’appeler. Les années s’effacent de ses traits, ses doigts dessinent les graphes de sa jeunesse et quiconque la regarderait en cet instant jurerait qu’il lui pousse des ailes.
Bientôt, ses membres se tétanisent. Merveille, une fois de plus, de vivre ce miracle, quitter la vieille enveloppe de chair, partager le corps accueillant du rapace et chevaucher le vent…
Elle s’élève, ivre de liberté, au-dessus du petit théâtre de sa vie, joies et deuils, la solitude désormais, les murs qui se délabrent à son image mais dont les pierres centenaires sont fées, les champs démis de leurs vignes et que repeuple une jungle d’ajoncs, de genêts et de pins, la terrasse aux murets effondrés où le verger se meurt.
Sauvagerie. Son cœur se serre. Jadis elle aurait aimé ce désordre. Aujourd’hui, elle n’y voit plus qu’un douloureux chaos.

L’inquisitrice, de Joëlle Wintrebert

L’inquisitrice, science-fiction, Ours Éditions, avril 2023

Sur la Terre dévastée par la sécheresse, des préceptes stricts ont été édictés pour la sauvegarde de tous.
Une nouvelle forme d’Inquisition contrôle le respect de la loi.
Quand une dénonciation semble accabler un village perdu dans une lointaine campagne, l’Inquisition envoie une enquêtrice.
Reste à découvrir si l’accusation est fondée…

 

 

 

 

 

 

Roald Dahl | pour ou contre les modifications de ses textes ?

La polémique récente au sujet de la réécriture des livres de Roald Dahl ne vous a sans doute pas échappé.
Une conversation de l’auteur avec le peintre Francis Bacon (article sur le site ActuaLitté du 2/03/2023) montre parfaitement qu’il ne voulait sous aucun prétexte que l’on retouche ses textes.
Adaptation que l’éditeur français, Gallimard, refuse quant à lui.

Hélas, l’ère des sensitivity readers (relecteurs en sensibilité !) importés des US n’a pas fini de sévir… tout comme la censure qu’ils impliquent sous couvert de politiquement correct.
Je ne parle évidemment pas ici de l’aide que peuvent vous apporter des spécialistes sur des sujets très précis.

Joëlle Wintrebert

Illustration empruntée au site ActuaLitté

Portail européen des œuvres indisponibles, 11 juin 2021

ActuaLitté

Œuvres indisponibles, le retour. Cette fois-ci, en Europe. Mais évidemment, vous avez le choix de vous opposer à l’édition sauvage de vos livres.
Un nouveau portail européen a été créé dans ce but. Il est conseillé de se connecter ici pour voir si l’un de vos titres (ou plusieurs) sont dans le collimateur, et si l’on souhaite s’opposer à la réédition.

Comme l’indique le site ActuaLitté  :

L’article 8 de la directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique portait sur « l’utilisation d’œuvres et autres objets protégés indisponibles dans le commerce par les institutions du patrimoine culturel ».
Cet article visait à un accès facilité au patrimoine européen, du XXe siècle notamment, et plus particulièrement aux œuvres indisponibles, qui ont été publiées, mais qui ne sont plus proposées commercialement aux lecteurs. Selon cet article, les États membres devaient prévoir « qu’un organisme de gestion collective, conformément aux mandats donnés par les titulaires de droits, peut conclure un contrat de licence non exclusive à des fins non commerciales avec une institution du patrimoine culturel, en vue de la reproduction, la distribution, la communication au public ou la mise à disposition du public d’œuvres ou d’autres objets protégés indisponibles dans le commerce ».
Condition indispensable à cette exception au droit d’auteur, une publicité autour de ce contrat de licence non exclusive à des fins non commerciales, par l’intermédiaire d’un portail en ligne, « au moins six mois avant que ces œuvres ou autres objets protégés soient distribués, communiqués au public ou mis à la disposition du public ».

Ce fameux portail est donc en ligne, à cette adresse. Les auteurs et autres ayants droit sont ainsi vivement invités à l’utiliser, dans le cas où ils souhaiteraient « exclure leurs œuvres ou autres objets protégés du mécanisme d’octroi de licences », comme le prévoit l’article 8 de la directive.

Une communication de Joëlle Wintrebert
Photographie Nenad Stojkovic, CC BY 2.0 (empruntée au site ActuaLitté)

Pollen, de Joëlle Wintrebert

Pollen, anticipation, collection Les Poches du Diable, éditions Au diable vauvert, mars 2021
Illustration de couverture : Olivier Fontvieille


Sur Pollen, une civilisation matriarcale, utopiste et pacifiste maîtrise la reproduction par manipulation génétique et gestation in vitro.
Pour éradiquer la violence, elle a fait naître un garçon pour deux filles et relégué ses guerriers sur un satellite. Mais toute société de contrôle porte en elle les germes de la rébellion…

 

EXTRAIT

Mon arbre, avait-elle murmuré plus tard, tout son être réunifié, caressant de ses lèvres le néoderme sous lequel coulait la vie. Quand il y avait trop de questions, la sève donnait des réponses.
La nuit était très avancée quand elle avait appelé Kindia. La marraine n’était pas couchée. Elle avait attendu, patiente, non des excuses mais la preuve que Sahrâ n’allait pas se détruire. Oui, les guides croyaient bien faire en obligeant les jumelles de Sandre à reprendre une vie normale. Toute sollicitation paraissait préférable à l’enfermement du chagrin.
Et Sahrâ marchait, les doigts crispés sur la main de Salem, entre les cuves où se développaient les triades, écœurée de s’apercevoir que le processus n’était pas si différent de celui des cuves à viande dont on leur avait appris le fonctionnement six mois plus tôt.
Autour d’elles, des filles poussaient des trilles d’oiseaux excités. Sahrâ remarqua que beaucoup de garçons s’étaient séparés de leurs sœurs et, rassemblés, chuchotaient en regardant le système vasculaire des endomètres où circulait un sang artificiel mû par des pompes électriques.
La forte voix de Grimsel expliquait les mécanismes du développement depuis la formation du blastoderme. Une lumière rétroprojetée éclairait les matrices tour à tour, appuyant ses propos. Derrière les muqueuses villeuses aux veines rouges, on discernait des formes de moins en moins petites. Sahrâ tressaillit en découvrant dans plusieurs cuves des triades presque matures et qui se tenaient enlacées.
Elle ne doutait pas d’avoir étreint elle aussi son frère et sa sœur dans la matrice. La nostalgie la frappa si fort qu’un vertige la prit. Elle dut se cramponner à Salem pour ne pas tomber. Grimsel les surveillait sans doute, conscient de ce qu’on l’avait obligé à exiger d’elles, ce jour-là. En un instant, il fut là, soutenant Sahrâ, disant qu’il les dispensait de la partie théorique du cours, qu’il les autorisait à regagner leur nid.