Frédéric-Jacques Temple vient de nous quitter à quelques jours de ses 99 ans.
Depuis son départ à Aujargues et en raison de son grand âge, je n’avais plus de contacts mais j’ai eu le plaisir d’échanger avec lui, de façon épistolaire ou lors de rencontres, pendant de nombreuses années où il vivait encore à Montpellier. Notre première entrevue date en fait de 1983, lorsque je l’ai sollicité – grâce à la sympathique intercession de M. et Mme Debernard, les célèbres libraires de la librairie Molière – pour présenter l’éditorial du 2e numéro de la revue que je venais de fonder, La Voix Domitienne. C’est avec émotion que je retrouve son visage de prophète sur la photo, remontant à près de quarante ans, qui accompagnait l’édito et que je relis ce qu’il écrivait alors sous le titre Écrire au pays. Non seulement ce sujet semblait l’incarnation même de la personnalité intime et attachante de son auteur mais en plus il visait particulièrement juste puisque cela constituait l’une des motivations premières qui m’avait poussé à créer La Voix Domitienne. Il l’avait bien compris et je pense que notre sympathie intellectuelle réciproque trouvait là sa source…
Frédéric-Jacques Temple, à cette époque, venait de publier son roman Un cimetière indien et il eut alors la gentille attention de m’en offrir un exemplaire dédicacé. Juste retour des choses, dans ce même numéro 2 de la revue, je proposais une critique de ce livre. Voici quelques lignes de ce que j’écrivais :
« Il paraît difficile de parler objectivement du roman de F.-J. Temple… C’est un livre indéfinissable, à cause de l’impression envoûtante qu’il laisse, de l’atmosphère onirique qu’il distille, de la quête intense et irraisonnée de l’enfance et de l’équilibre qu’il entreprend… de l’amour enraciné, quasi mystique, du pays – du ‘’centre du monde’’ – qu’il clame… Si j’étais obligé de caractériser le roman par un qualificatif et un seul, je crois bien que j’userais de l’adjectif ‘’tellurique’’ tant cette sensibilité s’exacerbe autour de la terre natale sans cesse recherchée, fut-ce au travers d’un ‘’vieux rêve américain’’ et de contrées sauvages teintées de romantisme. (…) »
Dès que Frédéric-Jacques Temple eut reçu La Voix Domitienne, il m’appela et, avec une émotion perceptible dans la voix, me dit : « Vous êtes le premier à utiliser le qualificatif de ‘’tellurique’’ pour parler d’Un cimetière indien. Je n’avais pas pensé à ce mot mais il est d’une profonde justesse. Je vois que vous m’avez bien lu et j’en suis touché… ».