une contribution à « Les Poètes traduisent les Poètes » (Langues, frontières, poésie / Textes)
une thématique proposée par la Maison de la Poésie Jean Joubert Montpellier
Joca seria pourrait-on dire de la traduction comme de la poésie. La vraie transgression est la fidélité, mais quelle est-elle ? Est-ce sens, forme, rythme, musique ? Sachant que d’une langue à une autre, il n’y a souvent pas d’équivalence ni parfois des sonorités qui ne sont pas en commun. Alors il s’agit de transmettre, non pas des émotions, mais du sens propre à nous faire réfléchir et des images voire une vraie cinématique si le poème à traduire est conçu ainsi. C’est aussi vivre avec le poème, pour citer approximativement Christian Bobin : « Pour lire un roman il faut deux ou trois heures, pour un poème toute une vie ». C’est peut-être un peu excessif, mais pas vraiment faux.
Il me semble trois règles utiles voire indispensables :
- Pratiquer ardemment et patiemment le poète et maturer les lectures
- Au mieux rêver dans les langues d’écritures
- Savoir faire des choix.
Traduire engage entièrement le traducteur. Il a une dette envers l’auteur comme un devoir vis-à-vis du lecteur. Il doit pouvoir renoncer ou repousser l’échéance de la fixation du poème traduit.
Un exemple édifiant des variantes possibles en traduction : le poème La Loreley de Henri Heine, publié par les éditions La Pionnière, en mars 2020, regroupe plus de quarante versions françaises du poème ! Elles ne s’éliminent pas les unes les autres : elles sont complémentaires.
Une question importante : l’édition plurilingue s’avère fort précieuse, au moins le poème en version originale et sa traduction : ne jamais sous ‘estimer le potentiel lecteur.
Savoir que rien n’est figé et que rien n’est perdu quand l’exigence est là.