Marcher. Joies et bienfaits du proche au lointain, essai, collections Rue des écoles, éditions L’Harmattan, 2024
Préface de Christian Pastre, historien et auteur
Qu’apporte donc la marche à ceux qui la pratiquent pour de multiples bonnes raisons et qui voudraient peut-être la pratiquer davantage ? Quels sont les bienfaits, pour votre corps et votre esprit, de ce simplissime moyen de locomotion ? Des réponses à ces questions guident les pas du lecteur tout au long de ce livre qui explore les innombrables facettes d’une pratique à la fois spirituelle et physique, éminemment bienfaisante. Qu’elle se nomme randonnée, marche, flânerie, trek ou promenade… L’auteur apporte des réflexions personnelles, ainsi que des idées de randonnées auxquelles il associe des expériences vécues et des témoignages de penseurs de tous les temps.
EXTRAIT
MARCHER POUR… CAPTER LE MONDE PAR LES NARINES
Contrairement aux organes de la vue et de l’ouïe qu’impressionnent des vibrations qu’ils transmettent à notre cerveau, l’odorat et le goût sont deux de nos précieux laboratoires chimiques privés. Leur lien avec notre satisfaction, notre plaisir ou leur contraire, s’affirme incessamment, même pendant notre sommeil.
Lorsque nous quittons l’espace domestique pour un séjour prolongé à l’extérieur, notre odorat nous fournit consciencieusement toutes sortes d’indices sur la teneur olfactive des espaces que nous traversons. Ces données viennent compléter ce que nous transmettent les autres modes de perception dont nous disposons.
Nos facultés olfactives sont réputées correspondre à une phase ancienne du développement de la physiologie humaine. Il s’agit d’une forme moléculaire, chimique de perception. Chemin faisant, saveurs et odeurs nous gratifient d’un contact direct avec le monde —un contact qui n’est ni vibratoire, ni magnétique, mais charnel, matériel, concrètement sensuel.
Il existe un lien subtil entre mémoire et olfaction que chacun expérimente en de multiples situations tout au long de l’existence. Le bulbe olfactif se situe dans notre cerveau à côté de l’hippocampe, fidèle enregistreur de nos souvenirs. Cette coopération de tous les instants dans notre boîte crânienne fonde le lien entre les odeurs, nos émotions et notre mémoire.
Où que l’on se trouve, la plupart du temps des effluves viennent impressionner notre odorat et enrichir ainsi de notes olfactives très concrètes le tableau que nous avons sous les yeux. Encore faut-il que la température, l’hygrométrie et l’état de notre muqueuse nasale soient satisfaisants.
Émanations volatiles portées par l’air ambiant, les odeurs se modifient selon la température, la sécheresse ou l’excès d’humidité ; ces variations altèrent ou empêchent la perception olfactive.On le vérifie en hiver : le chemin n’a guère d’odeur ; en revanche à la fin du printemps et en été, souvent, une véritable symphonie de notes parfumées accompagne le marcheur. Le sentier se déroule alors comme une pièce musicale composée d’accords et de mouvements successifs où les fragrances se succèdent comme l’une des formes d’expression enchanteresse du paysage.
Dans le Parc naturel régional du Queyras, dans les Hautes-Alpes, en arrivant par Abriès, une acide odeur de digitales s’impose à l’odorat. En insistant et en humant l’air aux abords de ce village, la première impression olfactive fait place à une sensation caractéristique de fraîcheur et d’eau, de notes âcres puis douces et de relents sirupeux. Nouvelle symphonie concertante : les bois jouent chacun à leur tour avant de jouer ensemble de virtuoses arômes.
Cette palette olfactive s’imprime dans la mémoire de ces montagnes, aussi sûrement que les images transmises par la rétine. Lire la suite…