Preuve que nos préoccupations ne datent pas d’hier, voici un extrait de Lettres I, 1929-1940, (Gallimard), où Samuel Beckett réagit avec humour (et agacement) à une demande de coupe de texte de son éditeur :
« On m’exhorte à faire l’ablation de 33,3 %, fraction éternellement périodique, de mon œuvre. J’ai eu l’idée d’un meilleur plan. Prendre tous les 500e mots, ponctuer soigneusement et publier un poème en prose dans le Paris Daily Mail. Puis publier le reste en édition séparée et privée, avec un avertissement de Geoffrey, comme les délires d’un schizoïde, ou en feuilleton, dans le Zeitschrift für Kitsch3. Ma prochaine œuvre sera sur du papier de riz enroulé autour d’une bobine, avec une ligne perforée tous les quinze centimètres et en vente chez Boots. La longueur de chaque chapitre sera soigneusement calculée pour laisser libre mouvement à l’utilisateur moyen. Et avec chaque exemplaire un échantillon gratuit de quelque laxatif pour promouvoir les ventes. Les Boutiques Beckett pour vos Boyaux, Jesus in péto. Vendu en papier impérissable. Des rouleaux en duvet de chardon. Tous les bords désinfectés. 1000 occasions de s’essuyer en rigolant un bon coup. Également en braille pour le prurit anal. »
Voilà qui donne le ton pour nos futurs exercices d’autodérision filmés… Chacun a sûrement quelque mésaventure de ce type à raconter !
Pascale Ferroul
Photographie : Portrait de Samuel Beckett, Boulevard St Jacques à Paris, 1985