…/… Pas trop loin non plus. Je m’écroule sur le canapé/pouf/lit d’appoint du salon/cuisine/pièce à tout de mon appartement, le cœur battant la chamade, au bord des lèvres aussi. Certains ont des monstres sous le lit, des araignées au plafond et des cadavres dans le placard, moi j’ai hérité d’un miroir en retard ! Je m’exhorte au calme et à la réflexion. Des nèfles ! Combien de fois me suis-je dit, en regardant un documentaire sur le surnaturel : « C’est le bordel leurs techniques pour enregistrer des manifestations paranormales, pas étonnant qu’ils chopent rien de plus probant qu’un couinement de porte, faudrait changer leurs protocoles » ? Mais je n’avais pas imaginé comment une intrusion paranormale, (même poétique parce que mon image « rediffusée » ne m’avait pas sauté à la figure pour me dévorer, du moins pas encore), pouvait vous priver de tout sens critique et vous laisser sidéré, le cerveau tournant à plein régime mais à vide, sans pouvoir embrayer sur une idée constructive. J’ai été nourri et je me gave encore de tout ce que les studios de cinéma du monde entier peuvent produire d’histoires fêlées, dérangées, dérangeantes, hallucinées et j’en passe. Ce n’est pas à proprement parler une « culture », c’est une distraction envahissante, un long catalogue d’images, de situations, de climax et de characters qui finissent par devenir familiers au point d’être prévisibles, quelquefois lassants dans leur répétition même. Là, pas loin, je tiens quelque chose d’unique, de perso, un événement dont je suis le héros malgré lui, malgré moi. Il faut que j’assume, j’ai l’âge. Lorsque j’ai emménagé, j’ai hérité des anciens locataires à peu près tout ce qui meuble l’appart encore aujourd’hui. Sauf deux ou trois bricoles, cafetière, brosse à dents, trois photos fétiches et deux vieux doudous. La flemme d’aller chez Ikea pour acheter les mêmes merdes que des milliers d’autres pékins et pas les ronds pour du design classe, autant conserver ce que mes prédécesseurs m’avaient cédé. Pourvu que le miroir fêlé n’ait pas enregistré leurs milliers d’heures balnéaires et décidé de me les repasser en mode rewind ! Comme on ne règle pas les horaires d’enregistrement sur un miroir (enfin je ne crois pas) pas moyen de prévoir quoi que ce soit. Avant de prendre une décision radicale et de le dérégler une bonne fois pour toutes en y pétant sa face à coups de marteau (qu’il va falloir que j’aille acheter et tant pis pour les sept ans de malheur promis), il faut que nous ayons un entretien, en face à face si je puis dire. …/…
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Miroir, mon beau miroir…(2), de Nicolas Gouzy
…/… Je décide de surseoir à toute autre investigation (Je sursois très bien, une autre forme de procrastination, j’ai souvent sursis, pour le service militaire, pour une petite peine d’emprisonnement aussi, un sursis c’est toujours bon à prendre) et je pars « réfléchir » au bistrot du quartier où je bois mon petit jus du matin. Je jette tout de même un œil inquiet à tout ce qui mire, reflète, renvoie, incidemment ou directement, une image de moi. C’est bon, y’en a, plein, des mire-moi. Pavés lustrés du hall, rétroviseurs des voitures alignées le long des trottoirs, glaces et vitrines de la rue, grand miroir du bar, lunettes de Gégé, métal argenté d’une salière oubliée, reflets bombés des deux côtés de la petite cuiller, je peuple dignement mon monde d’inversions plus ou moins déformées de mon moi encore un peu inquiet. Avouez qu’il y a de quoi ! J’en suis là et j’en suis las. Il ne me revient pas d’histoires de reflets qui se sont barrés de leurs miroirs ou bien de miroirs fatigués de refléter leurs propriétaires. Il y a bien les vampires que la mythologie hollywoodienne prive du reflet allégorique de leur âme disparue. Il y a bien Alice qui passe de l’autre côté. Il y a ceux sans tain qui dissimulent des voyeurs, psychopathes, profilers, inspecteurs et autres lance-flammes vengeurs. Il y a bien des choses en plus, en plus ou moins malveillant, malvoyant, qui apparaissent dedans, mais en moins…Je ne vois pas. Comme j’ai la chance ( ?) de ne pas avoir à aller bosser à l’autre bout de la ville puisque mon bureau c’est chez moi, je rentre au boulot. J’ai deux ou trois papiers à la con à écrire sur des glaces tendance en pots tendance dont le glacier-tendanceur n’a pas eu la délicatesse de m’en faire livrer quelques échantillons. Je vais improviser. Tant pis pour lui. Le miroir de mon couloir me renvoie poliment une image matinale dans laquelle, bien qu’habillé, je reste gris et fatigué. C’est un bon début de retour à la normalité. J’ai dû laisser la lumière allumée au-dessus du miroir vide la salle de bains car un rai lumineux filtre sous la porte…Je prends mon courage à deux mains (en vérité, pour ce que j’en ai, je pourrais aussi bien le pincer entre deux doigts), j’ouvre et décide d’en avoir le cœur et les yeux nets. Je ne comprends pas tout, du premier coup, tout d’un coup… Je vois…Je me vois ! Me déshabiller, entrer dans la douche, pisser sur la bonde (disons que ça vous ne l’avez pas vu), ouvrir l’eau, me savonner, me rincer, me sécher, puis me pencher vers le grand miroir scellé au-dessus du lavabo, essuyer la buée et me regarder, ébahi ! Ce con de truc m’a enregistré et il se repasse la scène. Je suis devant et maintenant je me vois en train de tenter de me voir, hagard, cherchant des yeux mon regard ! Alors je crie et je m’enfuis ! …/…
(à suivre)
Auteurs en lecture, Comédie du livre 2016
Petit retour sur « Auteurs en lecture autour de l’Italie » en photos et à l’écoute sur le site de Languedoc-Roussillon livre et lecture
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Photographies – 1 : ©LR2L / 2 : ©Jean-Luc Rocher
L’assemblée générale de l’association, 25 février 2016
Notre assemblée générale s’est tenue le jeudi 25 février 2016 à la salle Pétrarque à Montpellier. Un moment très convivial a suivi la réunion, l’occasion de croiser certains de nos adhérents qui se font plus rares en cours d’année. Merci à tous pour vos présences.
Images volées par Thierry Crouzet et Philippe Castelneau
Sans papier ni crayon
Intéressants commentaires de François Bon parus dans le Nouvel Observateur du 25 octobre 2014 sur les nouveaux outils d’un écrivain travaillant sans papier ni crayon.
Lire l’article.
Illustration : Portrait de François Bon, Real Space Fiction Projet