Caroline Fabre-Rousseau

Contact : fabre_rousseau@yahoo.fr
Son blog : Voie Off

Biographie : J’ai étudié la littérature en hypokhâgne, l’anglais et l’allemand à la Sorbonne et à l’université de Bonn. J’ai travaillé en entreprise (audit et recrutement), puis dans l’enseignement. J’ai 4 enfants et suis auto-entrepreneur (séjours linguistiques). Je joue du piano. J’aime la grande histoire et les histoires. Je les mélange, je les triture, je les malaxe, espérant faire ainsi mon devoir de mémoire. J’écris, car la vie est brève et fragile et que tout passe, sauf les mots. Tapis dans les livres, ils réveillent les morts.

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Bibliographie

Roman

La Belle-soeur de Victor H., récit, éditions Chèvre-feuille étoilée, 2016
Café zébré thé à la menthe, roman, éditions Chèvre-feuille étoilée, 2015
Les Éléphants de Copenhague, nouvelles, Les Éditions du Net, 2014
Les Belles Esclaves, poèmes, Edilivre, 2014
C’était malgré nous, roman, édition Prisma, 2012 – traduit en italien, Contra la nostra volontà, éditions

Essai

En coulisses, essai spectacle vivant, éditions Chèvre-feuille étoilée, 2017

Théâtre

L’Affaire Julie Hugo, éditions Chèvre-feuille étoilée, 2017

En revue

Le Pont, revue Femme actuelle Extra n°35, août 2017
Du Vent, revue Femme actuelle Extra n°29, octobre 2016
Nœud de cravate, revue Femme actuelle Extra n°7, janvier 2013
Christian V, revue Femme actuelle Extra n°4, octobre 2012
Tramways dans tous les sens et Voyages, poèmes, in revue Souffles n°71

Radio

Des Vies de jazz (sur RCF Maguelone Hérault) : Nina Simone, Melody Gardot, Louis Armstrong, Eddie Rosner, Django Reinhardt, Miles Davis, Boris Vian, Billie Holiday, Ray Charles…, septembre 2013 à juin 2014
Likes musicaux, RCF Maguelone Hérault, tous les mardis une découverte musicale (classique, jazz, pop, folk, rap, soul, électro…), à partir de décembre 2014

C'était malgré nous

Éditions Prisma – 2012

Elle va avoir mal comme autrefois, comme dans les temps anciens, comme dans les temps bibliques. Immobilisée sur la table malcommode, elle tourne la tête vers le jardin pour échapper un moment à sa prison. Au troisième étage, elle a la tête dans les frondaisons des micocouliers. Ils forment le ciel de son lit. Elle invoque le ciel, elle invoque la mère de toutes les mères, elle qui ne prie plus depuis des lustres, elle prie, elle se met furieusement à prier, elle lui confie son messie à elle, elle se berce des prières de son enfance, elle récite le chapelet, elle égrène les heures, la nuit tombe. C’est une nuit de veille, une nuit de guerre, il faut qu’elle gagne. Elle se secoue, elle rassemble toute son énergie et son courage. C’est comme si, à présent, elle était portée par toutes les femmes qui ont accouché avant elle, par l’immense foule des femmes qui ont lutté dans des circonstances plus dangereuses, plus pénibles, plus effrayantes et ont donné la vie : sa grand-mère, partie seule à la maternité pendant la guerre, son vélo à la main, pendant que son mari était au front, son autre grand-mère, accouchant sur les routes de l’exode, sans son mari, porté disparu sur les plages de Dunkerque. Toutes les autres, connues ou inconnues, sous les bombes, dans les prisons, dans les camps, toutes les autres qui l’encouragent et lui chuchotent : « C’est notre destin à nous de souffrir pour donner la vie, accroche-toi, c’est notre guerre à nous. »
Une formidable force s’empare de son corps, elle est prête pour le combat. Elle se replie dans les tranchées entre le feu des contractions. Elle remonte à l’assaut, elle connaît les montées et les descentes de cette terre labourée, son corps est la terre, humus fertile nourri de ses peurs et de l’abandon, terreau d’où jaillira la vie si elle tient bon.

Café zébré thé à la menthe

éditions Chèvre-feuille étoilée, 2015

Elle aurait voulu faire disparaître les filets d’argent qui étaient apparus sur les tempes, puis avaient envahi l’implantation en pointe sur le front, une particularité qui l’avait toujours amusée, ce démarrage capillaire au milieu du visage qui mettait en valeur la symétrie de ses traits réguliers et classiques, comme une pendule sur une cheminée, flanquée de deux vases, le décor bourgeois d’une maison de province sans histoire, discrète, immuable, rassurante, c’est cela qu’elle avait aimé en lui, ce côté rassurant et tranquille, gage d’une relation stable et familière, après des années de relations tumultueuses et passionnées qui l’avaient laissée exsangue, car il était arrivé, alors qu’elle n’en pouvait plus de passion et d’incertitude, de toutes ces histoires qui lui dévoraient les entrailles et lui donnaient le vertige, pfitt !, envolées, disparues toutes ces chimères quand il l’avait enveloppée de son corps simple et large, à la bonne taille, à la taille de son amour, mais à présent, les plis profonds qui lui barraient le front, les contractures aux commissures des lèvres, le regard vide et durci par les sourcils froncés en permanence, tout cela, elle le voyait, avait dérangé le décor familier, avait taché le miroir au-dessus de la cheminée, avait fendu les vases et cassé le carrousel. L’horloge qu’il fallait remonter toutes les semaines, un peu, mais pas trop, sous peine de forcer le délicat mécanisme, était silencieuse à présent. Le ressort fragile était rompu, cassé, irréparable. Marc était vaincu, la main menottée à son iphone, chaîne des temps modernes. Il le consultait constamment : pour l’heure, pour le temps, pour les messages, pour le plaisir et pour l’angoisse.