Luc Madec

Contact : lucmadec35@gmail.com

Biographie : Je me suis récemment installé dans l’Aude après une carrière à l’Université de Rennes où j’ai enseigné pendant plus de 30 ans la biologie animale, l’écologie évolutive et les statistiques ; j’ai également dirigé une équipe de recherche centrée sur l’évolution des histoires de vie chez les animaux. Un métier donc, des dizaines d’articles sur la génétique des… escargots, mais pas une passion, plutôt une imposture. Adolescent déjà, seule l’écriture me motivait, pas les choses scolaires ; je faisais comme si, et les nuits m’appartenaient : une musique, pour le paysage sonore et le rythme, une feuille et un stylo. De la poésie pour tenir… Jeune adulte, quelques concours (poésie, nouvelle) pour un partage possible plus que pour les médailles, quelques textes publiés çà et là, puis une bifurcation vers un quotidien plus lucratif mais, toujours, la poésie pour tenir…
À plus de 50 ans, je n’ai pas pu résister à ce partage possible : mots, notes et couleurs. À plus de 60, tout mon temps pour apprendre, pour travailler, pour un roman…

Lire un extrait
Lire un deuxième extrait

Bibliographie

Poésie

Géographies, éditions du Net, 2013
Physiologie d’un frisson, illustrations Annie Guiller, éditions Yellow Concept, 2014
Un aller simple, illustrations Annie Guiller, préface de Pierre Tanguy, éditions Yellow Concept, 2014
Assemblages, beau livre, peintures Annick Macé, éditions Yellow Concept, 2015

Nouvelles

Pitreries sur le temps qui passe, éditions du Net, 2019

Lectures publiques

– Salle Dumaître, Médiathèque de la ville de Pacé, illustrations visuelles d’Annie Guiller et les improvisations musicales de Baptiste Boiron, 30 janvier 2015
– Dans le cadre de l’exposition ‘De l’usage d’un souvenir’ (peintures d’Annie Guiller – et musique de Baptiste Boiron), Le Diapason (service culturel de l’Université de Rennes 1), 5 mars 2015
– Dans le cadre de l’exposition ‘Assemblages’ (peintures d’Annick Macé), lecture lors des vernissages :

à la MJC de Pacé, le 14 mars 2015
à l’Antichambre (organisée par l’Amocas – Mordelles), le 28 avril 2015
au Manoir de Bourgchevreuil (organisée par l’Association culturelle de Cesson-Sévigné), le 4 décembre 2015

Du grain à moudre et du noir à broyer

nouvelle

Retour à la case départ, les années ont passé. Clignotant, je tourne dans une rue fraîchement bitumée après la construction d’une seconde génération d’immeubles, aux dimensions plus humaines. Enfin revoir la mer de la fenêtre de ma chambre d’enfant. Si je pouvais soulever ces couches d’asphalte empilées sur lesquelles je roule, je retrouverais la pièce jaune de dix centimes que j’avais perdue dans le champ de blé, à quelques centaines de mètres de la boulangerie où étaient alignés les bocaux de berlingots, de carambars et de rouleaux de réglisse. A hauteur de mes yeux d’alors… Mélancolie : encore un virage et je serai devant mon parterre de pensées jaunes, oranges et violettes, me perdrai dans leur réseau de nervures, jusqu’à ce que toute symétrie disparaisse. Les pétales des boutons d’or qui se détachaient un à un avant que leurs tiges ne ploient définitivement. Avant, j’avais demandé à la petite fille que j’aimais de lever la tête vers le ciel pour lui confirmer grâce à cette fleur rayonnante qu’elle adorait le beurre. Je m’étais résigné : cette petite fille qui venait en vacances juste en face, dans la maison de ses grands-parents, avait beau redoubler d’efforts, elle ne saurait jamais jouer aux billes ou au petit soldat. Elle s’appelait Béatrice et j’aimais bien son prénom et je trouvais bizarre d’avoir un avis là-dessus et on trouvait très bêtes les adultes qui rigolaient en douce quand on se tenait par la main. A deux pas du poteau en bois qui supportait les fils électriques du quartier ; le soir, en revenant de l’école, j’y collais discrètement le chewing-gum que j’avais mâchouillé pendant la journée et que je récupèrerais le lendemain matin. Les champs de blé, les vergers, le petit bois de chênes et de châtaigniers comme terrains de jeu jusqu’au coucher du soleil. Souvent une envie folle d’offrir un bouquet de fleurs sauvages. Mélancolie. Je me souviens en avoir pris conscience quand je regardais le petit bouquet de fleurs offert à ma mère mourir de soif dans son verre à eau. Logique. Alors je quittais la scène pour devenir spectateur, je savais déjà que sa tristesse est plus supportable, qu’il peut l’évacuer sans verser une larme. Mais j’oubliais vite, tant de moments où j’étais Robin des bois ou voleur de carambars, tant de moments d’ivresse dans les vergers en fleurs, tant de victoires quand je jouais aux billes, tant de crachats, de gros mots, de coups de poing et tant d’espoir. Sur le chemin de l’école, les fers de mes souliers crissaient sur le bitume, je pressais le pas jusqu’à la maison aux giroflées, leur parfum à travers le grillage, l’été qui prenait formes, couleurs, odeurs, je m’y attardais, m’en imprégnais. J’empruntais alors un nouveau chemin tandis que mes pas assuraient sans moi la seconde moitié du trajet vers l’école. Quelques minutes plus tard, je pénétrais dans la cour, sortais d’une poche mon jeu d’osselets avant de rejoindre sous le préau un monde qui grandissait à l’abri de la pluie. Sûr, pratiquement tout était déjà écrit.

Impro sur ‘Finding Shore’ (T. Rogerson – B. Eno)

poème extrait du recueil non publié : Improvisations

Je tournais en ronds de plus en plus sombres

M’éraflant aux regards revenus de l’enfer

Je voulais croire aux sourires défaillants

Faute de récoltes lumineuses

Nous prenions place là où la musique

Offre à danser plutôt que de se dire

Des rêves de vieilles pierres plein la tête

Jusqu’à la fin de l’averse

Que reste-t-il aujourd’hui du hasard

D’un tête-à-tête, d’un corps-à-corps

De tous ces soubresauts désespérés

De tous ces rêves bas de plafond

Dans mon corps une réserve d’hivers

A prendre ou à laisser sans réponse

Skier tout schuss ou bien mourir de froid

A la frontière d’un miracle

Tandis que rien ne devait plus se produire

Je t’observais perdue dans notre rencontre

Au-delà d’une symétrie animale

Épuiser avec toi ma réserve d’étés