Ernesto Trémolo, de Fabienne Savarit

Ernesto Trémolo, album jeunesse, éditions A2MIMO, juin 2023
Illustrations Louise de Contes

 

Quand Nicolas va chez son grand-père, il lui raconte avec nostalgie les aventures avec son monstre de la nuit !
Mais ce monstre, existe-t-il vraiment ?
Nicolas décide de lui écrire pour découvrir qui il est, et peut être le convaincre de revenir jouer avec son grand-père.

 

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Nos attrapes-rêves, de Carole Menahem-Lilin

Nos attrapes-rêves, nouvelles, Les éditions Via Domitia, Montpellier, novembre 2023
15 illustrations peintures d’Eve Grenet

De tous âges et immergés dans des mondes tous différents, les personnages des nouvelles de Carole ont pourtant une même quête : s’engager – sans renoncer à leur intime fantaisie ni à leurs questionnements. Attraper leurs rêves, ou se laisser rattraper par eux.
Les figures qui habitent les toiles d’Eve semblent plongées dans une méditation yeux ouverts, qui interroge, elle aussi, le monde.
Le hasard, qui dans les œuvres de ces deux artistes fusionne le sensible et le symbolique, ouvre parfois de saisissants raccourcis.

Quinze nouvelles donc, autant de toiles. Carole et Eve ont découvert avec délectation combien leurs inspirations pouvaient se faire écho. Ce recueil vous invite, en trente déclinaisons, dans leurs univers.

 

EXTRAIT – in Nomades

– Je vole ! dit Mona.
Mona vole, c’est vrai. Hissée sur la barrière, ses pieds, chaussés de sandales à scratch solidement coincés entre les barreaux verticaux, le dos bien droit, elle a lâché les mains et ouvert les bras. Maintenant elle les rabat et les soulève alternativement, à la manière de deux ailes. Pas trop haut ni trop fort tout de même, pour ne pas basculer en arrière. Son petit visage doré se tourne à droite puis à gauche, menton levé elle prend le soleil, yeux fermés elle attend le vent ; elle saisit, dans ce soudain moment bleu, l’intensité des courants ascensionnels et la plénitude du monde.
– Je vole ! répète-t-elle. Elle est heureuse. Pourtant, son petit nez doit se plisser et ses grands yeux se presser fort, pour empêcher les larmes de pleurer.

Ça, c’est moi qui ajoute. Moi, sa mère.
La journée avait mal commencé. J’avais reçu les résultats de l’examen la veille. Insatisfaisants, ces résultats, avait dit mon médecin au téléphone. Comme si c’était moi qui étais en faute. Comme si j’avais échoué à l’examen de la vie.

Notre dîner des auteurs, Brasserie Le Dôme à Montpellier, 6 juin 2023

Nous étions nombreux à dîner ensemble en ce mardi 6 juin 2023. Joie et beaux échanges…

 

De gauche à droite – A table : Luc Madec, Line Fromental, Danielle Helme, Henri Lehalle, Joëlle Wintrebert,
Thierry Crouzet, Dominique Gauthiez-Rieucau – Debout : Françoise Renaud, Isabelle Crouzet,
Janine Teisson, Danielle Ferré, Raymond Alcovère, Sylvie Léonard.

 

La méthode des éditeurs pour s’opposer aux intelligences artificielles, site ActuaLitté

Un article de Zoé Picard, 26/05/2023

« En plein développement, fortement médiatisées, les technologies d’intelligence artificielle s’« entrainent » en moissonnant et traitant des textes librement accessibles en ligne. Une directive européenne récente introduit même une exception au droit d’auteur pour la « fouille de textes et données », dès lors qu’un contenu est accessible en ligne. Mais les éditeurs peuvent s’y opposer assez simplement… »

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transmission par Joëlle Wintrebert

Ce lieu où tu aurais prévu de te rendre n’a pas de nom, de Françoise Renaud

Ce lieu où tu aurais prévu de te rendre n’a pas de nom, récit, collection Petites Proses, éditions KDP, juin 2023

 

Cet attachement qui relie les deux femmes de ce récit est indéfectible, il survit à toute forme d’événement ou d’accident. Il survit à l’eau et au vent. Il survit à l’éloignement et à la fièvre. C’est une histoire de corps qui porte, de chair qui enfante. L’une de ces femmes reste attachée au lieu où s’est toujours déroulée la vie pour elle et pour sa famille tandis que l’autre née d’elle n’a qu’une soif : partir loin, se détacher de la branche. Un besoin, un destin — devenir elle-même. Et elles n’auront de cesse de se perdre et de se rejoindre dans les lacis du réel, du rêve et du demi-sommeil.

 

 

PRÉSENTATION VIDÉO

 

EXTRAIT

tu ne le sais pas
mais j’aurais fait n’importe quoi pour te rejoindre, j’aurais été jusqu’à Londres ou Bangkok ou Manille

.

j’aurais marché dans les rues bruyantes en quête d’un havre, j’aurais marché longtemps au flanc des échoppes jusqu’au marché flottant de Taling Chan où j’aurais acheté des fruits de nom et d’aspect inconnus, j’aurais chassé une part de ma peur pour montrer un autre visage, tout en mangeant les fruits j’aurais regardé les pirogues qui glissaient sur le fleuve jaune
et la nuit qui tombait

 .

rien que pour te revoir
j’aurais été au bout du monde, j’aurais escaladé les montagnes les plus escarpées, franchi les déserts les plus stériles, j’aurais été à Vancouver ou à Valparaiso, j’aurais marché au flanc de la mer seule ou avec un compagnon de fortune, un voyageur rencontré par hasard qui m’aurait accompagnée jusqu’à ce point-là du voyage parce que j’aurais été trop ignorante et trop effrayée pour le faire seule,
dans l’instant où j’aurais distingué ta silhouette à l’autre bout du quai j’aurais couru vers toi pour te serrer dans mes bras,
à ton côté je me serais enflammée pour l’aspect sauvage des îles vertes ou pour le pittoresque du ciel brûlant derrière les hautes maisons riches en couleurs, des paysages que je n’aurais jamais vus auparavant et qui m’auraient séduite infiniment

 

La Fille des Hauts Plateaux, de Françoise Barry

La Fille des Hauts Plateaux, éditions TDO, avril 2023

Cantal, Aubrac, Cévennes, Grands Causses… Margeride. Une région naturelle et historique, physique et troublante. Parfois merveilleuse. Dure, souvent. Surtout sous l’occupation.
Dans ce contexte, Pauline, brillante à l’école et belle comme l’aurore, aide sa famille à résister à l’âpreté de la vie à Bellecoste, un hameau des hauts plateaux. Son instituteur, touché par son abnégation, la prend sous son aile. Il l’aide à préparer le concours d’institutrice et lui trouve un travail chez ses parents, commerçants à Saint-Alban-sur-Limagnole. Un village aux allures de métropole, pour la jeune fille. Pauline est jeune encore… Elle ignore les délateurs, les prédateurs, certaines ombres de la vie… À la Kommandantur, bien sûr. À l’hôpital psychiatrique où elle intervient parfois, aussi. Peut-être plus près encore…

À travers l’histoire de la jeune Pauline, Françoise Barry traite les thématiques de la ruralité, la psychiatrie, l’occupation et l’amour avec talent.

 

EXTRAIT

A 14h, Pauline se décida à rencontrer François Tosquelles, le fameux psychiatre catalan. Avant de pénétrer dans le château, elle se força à visiter le cimetière sous les cyprès où elle n’avait jamais osé entrer. Un infirmier lui avait expliqué que dans la majorité des asiles d’aliénés, on enterrait presque clandestinement les malades. À St Alban, le personnel, même des patients proches de la défunte ou du défunt, assistait à l’enterrement. Un hommage était rendu à chaque disparu. Trop souvent, les familles étaient absentes… Elles avaient honte d’avoir enfanté un fou, comme s’il était un criminel.

Ce lieu était entouré d’un mur de pierres sèches. De petites croix en bois, noircies par les intempéries, signalaient les tombes des aliénés. Elle s’approcha. Certaines portaient une plaque émaillée sur laquelle était gravé un nom, celles-ci étaient destinées aux religieuses décédées. Les quelques arbres au fond de l’enclos étiraient leurs branches nues vers un ciel sombre. Plus loin, des cyprès. Solitude, désolation, vide. La jeune fille pensa à ces morts sans nom, sans généalogie, sans histoire. Hommes et femmes abandonnés, remplis d’humilité et humiliés. Ils avaient disparu sans laisser de traces, songea-t-elle, errant comme des âmes en peine. Ils étaient partis vers l’inconnu, personne pour leur tenir la main. Suspension du temps par-delà un passage où la vie et la mort ne font qu’un.

Elle frissonna. Elle quitta le cimetière le cœur lourd, un nuage laissa échapper de grosses gouttes. L’étudiante pressa le pas pour se mettre à l’abri. Elle raconta au psychiatre sa visite au cimetière, sa peine de constater cette hiérarchie dans la vie comme dans la mort.

– Dans celui de Cadillac, en Gironde, expliqua le Dr Tosquelles, aux côtés des malades décédés, on trouvait d’autres parias tels que les Gueules cassées de la Grande Guerre, rejetés par leurs propres familles. A St Alban, bien avant mon arrivée, nous avons reçu des Poilus devenus fous. Le fils d’un prix Nobel avait été banni de chez lui. A son retour de la guerre, il montrait des signes de folie.

 

épiStellaires, un recueil de Pierre Ech-Ardour

épiStellaires, poésie, Editions Phloème, mai 2023
illustration de couverture : encre de Jean-Marc Barrier

 

« épiStellaires » est ce battement, cette trame discrète où s’orfèvre le poème ; chaque mot porte le dépli d’une pensée poussée à l’orbe du confin. L’écriture, jouant de sa lumière et de sa contre lumière, laisse doucement à l’entente la palpitation du froissement et du défroissement des mots, maintenant perpétuels leur vastité et leur respir. Ce sont dans ces amples et discrètes variations que la parole trouve son surgissement de visage, cette force particulière d’être elle-même l’envol de ce qui d’un coup se dévoile à la vue et à la pensée et aussitôt se dérobe, insoluble. Et si se laisse saisir par la peau que donne la traverse des langues, des souffles terrestres, des sensualités et des mémoires d’une certaine intimité, « épiStellaires, » est une voix portée, une entière adresse à l’humain et à son tremblement d’infinité.

 

EXTRAITS

Depuis l’ombre qui accompagne l’apparent mutisme des arbres, abondent avec la semblance de ta voix cristallines les nuits apaisées. Palpable et visible émane buccale et lumineuse la musicalité de nos silences. Ici nommer les sens éveille leur résilience.

 

Déceler par la lumière de tes yeux l’envol du cœur
serein dévisager de tes apparaissances la couleur
en le don du regard farde le khôl miroité le ciel

À pleine bouche avec partage d’allègre élégance
épousent fusionnels nos souffles les mots
abstraites fissures en écho de nos utopies

Au capiteux vent bleu fleurant ta chevelure
odorante oint l’aurore graciles tes épaules
d’aromales étoiles comme parfum d’existence

Court joueur le rêve sur les ridules de ton teint
harmonique effleurement d’innés linéaments
amadoue nos frémissements la succulence

De l’emmiellé suc du fruit de songeurs déserts
inéclose appétence à te boire en plénitude
goûte nu mon inavoué baiser levantines tes lèvres,

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Martienne ?, de Janine Teisson

Martienne ?, roman, éditions Chèvre feuille étoilée, mai 2023
couverture : Marion Béclu

Elle atterrit en 1948 chez des humains qui ne l’avaient pas invitée, elle va tenter de se conformer, de se faire oublier, mais décalée, bizarre, elle reste martienne, incapable d’entrer définitivement dans les moules destinés aux femmes, en temps de patriarcat.

Récit d’une vie qui va vers l’affirmation de soi, c’est aussi un récit d’aventure,une histoire burlesque ou grave, parallèle à la grande Histoire avec ses montées vers les indépendances, ses inventions et ses horreurs.

 

 

 

 

EXTRAIT

1948
Par la fenêtre on voit la Méditerranée. Allongée sur la table de la cuisine, une femme pousse dans le monde une créature pesant un peu plus de trois kilos, rouge, gluante, fendue entre les jambes, le pouce enfoncé dans la bouche. Le vieux médecin du quartier fait l’âne, la grand-mère fait le bœuf et la mère ne la regarde pas. Elle ne l’a pas désirée, pas invitée, mais ça ne fait rien, la créature décide de rester quand même.
Sa mère la laisse gonfler dans son berceau en la manipulant le moins possible. Le père est loin. Il est malade. Dans cet après-guerre, les jeunes gens, mal nourris, ont la tuberculose.
Lorsque l’enfant s’éveille de ses longs sommeils, elle a l’impression de tomber. Rien ne la soutient. Elle hurle : Quelqu’un ! Quelqu’un ! Elle en perd le souffle. Ils ne viennent pas. Ils n’aiment pas les cris. Elle a compris. Elle ne hurle plus. Elle se concentre sur ses mains. Courbettes, virevoltes, mouvements d’ensemble, raideurs dressées, envols, ramassements, ploiements caoutchouteux. Elle rit.
La nuit, la solitude est plus difficile à apprivoiser. Bras ligotés sous la couverture bordée serrée, elle est tout entière tendue vers son salut : convoquer ses mains, les faire danser dans sa tête, s’accrocher à leurs arabesques afin que cesse la descente du couvercle noir qui l’écraserait. Elle lutte contre le néant qui l’enserre avec ses inventions minuscules, ses balbutiements silencieux.
Ils disent : elle est sage. La mère oublie l’heure du biberon.

Faute de contraception, la créature présentée ci-dessus est l’un des 77153 petits humains projetés dans la vie en France, cette année-là, en plein baby-boom.