Observations pour un futur carnet tératologique, de Stéphane Amiot

Observations pour un futur carnet tératologique, prose poétique, Encres Vives, décembre 2022
Illustrations Sophie Moulinneuf

Nous avons tous dans nos livres de peau des lignées de chimères, à peine ossifiées, respirant sous des eaux rémanentes, nouées à nos muscles comme une poussière de bataille, l’écho des combats passés et perdus.

Laissons advenir les défaites, accueillons les surgeons de la contingence, les monstres, en nos terres, pour une nouvelle alliance.

 

(émission avec Christian Saint-Paul Les Poètes du 07 février, sur Radio Occitanie)

 

 

 

EXTRAIT

Les monstres s’accumulaient contre les ponts, colonisant les arches, happant les lampadaires comme des lucioles de printemps.

Les berges suintaient de leurs mues huileuses où se noyaient les enfants du soir.

On s’enferma dans les palais surplombant la Garonne. Sur les terrasses aériennes on dînait aux spasmes du fleuve qu’épousaient d’immenses siréniens de glace carénés de moraines. On ne vit pas les marelles s’enfoncer dans la vase ni les cours endormir les derniers cris.

Les rires capitulèrent, les quais pourrissaient comme des figues, les digues se faisaient l’écho d’avalanches.

Le Dôme du Capitole disparut un matin.

Au crépuscule des fêtards caressaient encore son sein rose.

Les rues amphibies glissèrent leurs pavés dans les limons rouges de la mangrove des Filtres.

 

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