Oobèse, roman, Z4 Éditions, 2019
Si Oobèse est une farce savamment préparée, illustrée et bien assaisonnée, elle le doit avant tout au goût de l’auteur pour la cuisine et pour la bouffe, la vraie, la grande à la Marco Ferreri. Car chez Cauda, comme dans le cochon tout est bon, donc tout se mange.
Artiste peintre qui n’y va pas avec le dos du pinceau, (ici de la cuiller) Jacques Cauda fait de l’huile à chaque page dans cette abominable aventure où un ex flic ripou à l’entre-jambes exacerbé passe en civet trois femmes qui tombent sous sa coulpe éminemment battue.
Oobèse nous conte les histoires croisées dans l’histoire du « Gros », dit Amalaire le dingue, (du nom d’un évêque du IXè siècle), qui met en pratique très personnelle une théorie controversée du corps du Christ en trois corps distincts, les trois parts de l’hostie. Dans la version moderne de l’affaire, « Le Gros », réincarnation new age de l’Hannibal Lecter du Silence des agneaux, préfère s’en tenir à l’enlèvement de « trois grâces », une blonde, une brune, une rousse, qu’il va occire à petit feu après moult sévices, gavages, mutilations et baises effrénées, puisqu’il faut bien évidemment passer ces dames à la casserole.
Revisitant à sa manière (loin de Noëlle Châtelet), Le corps à corps culinaire, piétinant pitié et piété, mobilisant avec allégresse les productions intimes de l’être qui chamboulent les cinq sens jusqu’au bateau ivre de l’existence, Oobèse nous inflige avec délectation des effluves indélicats par frottement de la nageoire cauda…le dans nos cortex de lecteurs pisse-froids planqués dans le falzar de la littérature plan-plan.
Entre rêve et cauchemar, cette œuvre – hors d’œuvre – au teasing haletant (sic) prend le parti de penser avec les dents avec des extraits de l’Homélie 46 sur Saint Jean, l’apparition de Chet Baker, quelques verres de Clos Vougeot, la lecture des 120 journées de Sodome, des considérations bienvenues sur le terrorisme de l’art contemporain, jusqu’à un unhappy end de circonstance.
Dans la lignée d’un Charles Duits en plus défoncé, Cauda, avec un doigté très sûr (re-sic), nous livre un fond d’œil odieusement jouissif de la nature humaine dans sa décadence avancée. In fine le gouachis est total. On en sort tout barbouillé. Apocalypse now. Coda.
écrit par Jean Azarel, 13 avril 2019