Guth Joly a eu la mauvaise surprise dimanche dernier, d’arriver à un salon du livre et de ne pas avoir de livres à signer sur sa table. Omission du libraire ? Défaillance de l’organisation, du système tout entier ? … peut-être une goutte d’eau dans la marée de nos problèmes d’auteur, mais elle a fait déborder le vase !
Il fut un temps très proche où il n’était nul besoin de spécifier qu’on voulait ses livres lorsqu’on était un écrivain invité sur un salon. Le libraire, partenaire, savait qui venait et faisait le nécessaire pour la commande. Depuis trente ans, je suis invitée dans des salons et je découvre que les choses ont changé. La librairie du Vigan, partenaire du salon du livre de l’Espérou ne connaissait pas les invités. Sur ma table, aucun de mes livres, il me fut répondu que je ne les avais pas demandés et que mon éditeur, Belin ne faisant pas les retours, elle ne travaillait plus avec lui. En résumé, elle commande pour pouvoir retourner, ce qui est étonnant car habituellement, un commerçant commande pour vendre. Ayant été libraire pendant plus de dix ans, je connais assez bien la vente, la gestion du stock effectivement problématique mais si on s’intéresse aux livres et aux auteurs, on se dit que puisqu’il est là, il y a moyen d’écouler le stock. Apparemment non. J’aurais été le prix Nobel que sans doute cela n’aurait rien changé si le prix Nobel avait été publié chez Belin. Et je ne suis pas le prix Nobel, j’édite des romans jeunesse, des bandes dessinées mais je dédicace pas mal de livres lorsque les salons sont capables d’attirer le public. En bref, je n’ai jamais planté un libraire moi.
Je les ai toujours soutenus et j’ai toujours travaillé avec eux.
Si les libraires ne sont que des marchands, ils seront bien vite remplacés par des marchands plus aguerris, plus gros, plus efficaces.
Et las ! Tout ce qui est petit, original, rebelle, tout ce qui n’est pas la grosse production pour le plus grand nombre aura bien du mal à survivre. On aura de la culture de masse via internet ? On n’aura pas le choix ? La question est posée. Est-ce que le commerce est notre seule raison de bouger ?
Un salon est un endroit où l’on découvre des livres, où l’on parle avec des écrivains et des illustrateurs. C’est un lieu de rencontres, de curiosité, de surprise. Le commerce en fait parti certes mais il en fait juste parti. Les auteurs le savent. Les auteurs se déplacent en voiture, les auteurs mangent et boivent comme tout le monde mais là, c’est de l’art, pas besoin de les payer. Faire rêver, faire réfléchir, renseigner, éduquer est un travail hautement honorable et tout labeur mérite salaire. Mais même mal payée, je préfère mon travail d’écrivain à celui des vendeurs sans curiosité, des ouvreurs et des fermeurs de carton qui ne s’intéressent pas à ce qu’il y a dedans.
Je salue les initiatives des petits salons et des gens passionnés et je serai présente à leurs côtés si ce que j’écris ou crée leur plait mais je me défie des marchands parasites qui sentent le tiroir caisse et rien que ce renfermé-là au point de nous asphyxier tous.
Photographie empruntée au site ARTsixmic
Combien je t’approuve Guth! Quelle désolation de s’apprêter à des échanges humains et d’être écrasée par la marche aveugle des tiroirs caisse. Mais il y a chez toi, chez nous tous, un désir de résister. Résistons!
Amitié
Janine