J’écris aux hommes qui croient que Dieu leur appartient parce qu’ils prononcent son Nom, qu’Allah les admire parce qu’ils meurent en son Nom, que leurs dieux en ont quelque-chose à faire d’eux. J’écris aux hommes qui pensent avec leurs sexes, avec leurs coutelas, avec leurs armes. J’écris aux hommes pour qui les femmes sont des objets, les enfants des proies, tous les autres des ennemis. J’écris aux fanatiques qui n’ont qu’un Livre : ces aliénés du Monde des vivants, ces quasi-morts qui croient encore que leur mort sera glorieuse. J’écris aux fous de Dieu, à tous ceux qui haïssent l’amour, la vie, la culture, le plaisir et les rires des enfants, à tous ceux qui préfèrent à la musique douce et simple de la vie le fracas des bombes, les hurlements des blessés et les pleurs de ceux qui restent. J’écris car je ne sais pas pleurer. Vous serez des mots sur des listes de morts sans tombes, des morts perdus dans des listes de mots. Nous aurons tout le temps pour oublier vos noms, oublier votre mémoire, vos cris barbares. Vous n’aurez eu que le court instant de votre mort pour exister. Nous trouverons les mots pour oublier votre histoire. Ce que vous criez à la face des vivants n’est terrible qu’un temps, n’est obscène qu’un moment. Le silence de notre Paix remplacera le vacarme de vos guerres. Le Monde effacera vos traces ; vos empreintes de sang seront gommées par la joie de vous voir disparaître de nos livres. Vous êtes un pas perdu sur le sable à marée basse, un papier gras que le vent pousse, une bourrasque froide que le printemps chasse. Vous n’êtes rien.
22 mars 2016
illustration : Le Lion belge brisant ses chaînes, étude de Eugène Verboeckhoven, 1830
En écho à ce texte, celui que j’ai écrit après les attentats de novembre dernier à Paris, mais qui est tout aussi actuel après ceux de Bruxelles : http://www.michel-theron.fr/2015/11/peur-de-son-ombre.html