Deux poèmes écrits tout à l’heure, sans haine, croyez-le, mais avec une froide tristesse.
L’année dernière certains de mes poèmes sur la guerre ont été publiés dans la revue Bacchanales. Je croyais la guerre ailleurs….
Janine Teisson
Puisqu’ils aiment tant
La mort,
Donnons-la leur.
Amoureux de la mort
Serviteur de la mort
Instrument de la mort
Je vous hais
d’une haine qui vient
de la terre
lave froide
qui monte dans mes jambes
va jusqu’à mon cœur
incendie et glace
mon cerveau.
Je me retiens
d’avoir pitié de vous.
Pourquoi ?
Vous n’auriez pas pitié de moi
Vous n’avez pas eu pitié
De la vie toute fraiche
De l’éclat de rire brisé
De l’effroi de qui voit sa mort
Trop tôt
Trois fois trop tôt.
Vous n’avez pas eu pitié.
Ni d’eux ni de vous
Météorite de la haine
Noire dedans
Noire dehors
Nous devons vous détruire
Avant que vous touchiez
Notre terre.
Et voici un des poèmes édités dans Bacchanales.
Alger, Oslo, Homs
Elles aiment les chairs fermes,
Et qui rebondissent,
Les muscles serrés
Sous la peau élastique
Et douce
Presque enfantine
Les os nacrés
Les duvets impalpables
Les bouches gonflées
Les viscères intacts dans leur fine enveloppe.
Le sang clair et joyeux à en boire.
La transparente clarté des yeux neufs
Elles les aiment,
Les balles.
Photographie : Hommage aux victimes de Paris à Katmandou.
Envoyé par Massamba Diadhiou le 22 novembre 2015
Bonjour,
C’est émouvant de lire les mots doux pour exorciser les maux qui nous ont assaillis et qui nous hanteront encore pendant de longues années. Nous acceptons la mort difficilement, certes, lorsqu’elle est fatalité mais en aucun cas nous pouvons nous en accommoder lorsqu’elle est l’expression de la haine, de la lâcheté et de la barbarie. Notre monde est violent, nous le savons mais nous ne l’avons pas découvert ce 13 novembre. Cette violence nous a touchés dans notre âme et dans notre cœur. Pour certains ce n’était pas une surprise, c’était juste l’aboutissement d’un processus de déclin et de démission de toute sorte. Pour d’autres, nous avons touché le fond. Ce qui est sûr, rien ne devra plus être comme avant. Il est vrai qu’en tant qu’humain blessé, je vais hurler avec mes congénères pour réclamer vengeance que cela soit par les bombes par les balles peu m’importe, pourvu que ces salops crèvent. En tant que citoyen, je réclame justice pour l’honneur de ma république et par égard aux disparus. En tant qu’auteur, je sais que mes mots ne peuvent pas empêcher les terroristes de nuire mais ils peuvent éloigner des jeunes et des moins jeunes du discours de terreur et de haine. En tant qu’auteur et citoyen, je dois continuer à écrire, à créer et me battre pour qu’à côté de chaque épicerie, il puisse y avoir une bibliothèque. Les militaires et les policiers se battent pour nous avec leurs armes. Notre guerre à nous auteurs ne peut être gagnée que si nous nous assurons que nos textes atteignent ce que les bombes ne peuvent atteindre, la conscience de nos contemporains.
Réponse de Janine Teisson
Bonjour,
Merci Massamba pour tes mots. Je trouve bon de pouvoir échanger entre nous.
J’avais le sentiment qu’il ne fallait pas donner ces textes, en tous cas, pas seuls. Peut-être que parmi d’autres que j’ai écrits avant, ils auraient été compris pour ce qu’ils sont : un cri d’impuissance devant le Mal. Et le désir que nous ne soyons pas anéantis. Comme Germaine Tillion, combattante de la paix, militante contre la peine de mort a pu dire des exterminateurs nazis qu’il n’y avait rien à faire d’autre que de les tuer. Non que je me compare à elle. Mais quelle douleur de penser ainsi! Je parle de haine mais en réalité je n’ai pas de haine seulement un rejet vital. Immédiat. C’est tout.
Un peu de corporatisme : Au Bataclan un jeune écrivain : Erwan Larher (Abandon du mâle en milieu hostile) a été blessé de deux balles. Il va mieux cette semaine. Je le sais parce que sa mère est une amie de ma soeur. J’ai aimé ce livre. Il en a écrit quatre, je crois.
Salut à tous, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas devenue une justicière armée. Je demande pardon à ceux qui ont été choqués par ma violence, moi aussi elle m’a choquée.