Nous avons reçu ce matin, 10 janvier, une très mauvaise nouvelle : notre ami Michel Jeury, qui souffrait depuis quelque temps de graves problèmes cardiaques, est décédé hier, en fin d’après-midi.
Michel avait été l’un de nos adhérents de la première heure.
Né en 1934, en Dordogne, il s’était fait connaître, au début des années 70, par des romans d’anticipation (Le Temps incertain, 1972, Soleil chaud, poisson des profondeurs, 1976, Le Territoire humain, 1979, pour ne citer que ceux-là sur les 42 romans parus) qui devaient marquer d’une empreinte formidable le monde de la science-fiction.
Michel était aussi un nouvelliste. Il a écrit une bonne centaine de nouvelles.
Au bout d’une carrière fructueuse et couronnée par les prix les plus prestigieux, il abandonnait la science-fiction qui ne lui permettait pas de nourrir sa famille pour se consacrer à la littérature de terroir, avec un succès considérable dès la publication de son premier roman dans ce genre : Le Vrai Goût de la vie, 1988, prix Terre de France/La Vie.
En 1995, son roman L’année du certif obtenait le prix Exbrayat, avant d’être adapté, dès 1996, à la télévision. Sa série sur l’école (tout comme ses essais sur cette question qui le passionnait) a été unanimement appréciée.
Récemment, Michel était revenu à ses premières amours avec un livre phare, May le monde, paru chez Robert Laffont en 2010, un chef-d’œuvre d’invention et de poésie couronné par le Grand prix de l’imaginaire 2011.
La maison d’édition « Les Moutons électriques » avait également rassemblé ses nouvelles d’anticipation dans le recueil La Vallée du temps profond (2007).
Et une importante exposition, « Entre futurs et terroirs », lui avait été consacrée en juin 2013, à Issigeac, ville où il a longtemps vécu et qui lui a dédié une rue.
L’auteur fourmillait d’idées et de projets. Hélas, la maladie a eu raison de lui.
Michel était un homme merveilleux, toujours disponible, toujours prêt à venir au secours de tel ou tel jeune écrivain qui sollicitait son aide et dont il pensait pouvoir lui servir de guide. Il y est parvenu, bien des fois.
Il a dispensé tant de conseils, et à tant d’entre nous ! Il aimait la rencontre et la discussion. Il va énormément nous manquer.
Presse :
Michel Jeury est mort, article de Agathe Auproux, LivresHebdo, 12 janvier 2015
Pour en savoir plus sur Michel :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Jeury
http://www.noosfere.org/icarus/livres/auteur.asp?NumAuteur=36 (on y trouve les résumés et des critiques de tous ses livres de SF)
http://www.quarante-deux.org/les_Recits_de_l’espace/Michel_Jeury/ (pour lire ses nouvelles, en accès libre)
http://blog.jeury.fr
Illustrations : Portrait de Michel Jeury, ©Bruno Para, 2008 / Tiré du documentaire- fiction Opzone 24. L’écrivain avait prévu la date de sa mort en 1977 alors qu’il tournait ce docu-fiction qui décrivait Issigeac en 2050 comme une zone préservée. Il se terminait sur l’image d’une pierre tombale où l’on pouvait lire « Michel Jeury 1934-2015 ».
2015 commence décidément bien mal.
J’ai appris hier soir, comme vous tous dont certains que je connais grâce à lui, la mort de Michel Jeury, qui était mon ami.
Nous nous étions connus en 1999. J’avais sollicité une rencontre avec ce monsieur qui habitait sur les hauteurs d’Anduze, ma ville d’enfance. Je venais d’écrire une première ébauche d’un livre qui s’appellerait plus tard Le Chemin d’enfance. Il m’avait reçu chez lui, comme il recevait souvent d’autres écrivains débutants, en quête de conseils.
Ses conseils étaient précieux, distillés subtilement afin de susciter en l’apprenti romancier que j’étais une vraie réflexion et un vrai cheminement d’auteur. Il faisait en sorte que l’on trouve seul sa voie (sa voix), parce qu’il n’y a point de recette miracle pour être écrivain.
Pendant plus de dix ans, je suis venu régulièrement lui rendre visite dans sa maison d’Anduze, puis à Saint-Christol-lez-Alès où il a vécu quelque temps, avant de se retirer avec sa famille, à Villedieu, où encore peu avant l’été j’étais allé avec notre ami commun Hervé Pijac le voir une dernière fois et l’avais tristement trouvé mal en point.
Pendant plus de dix ans, il n’a jamais cessé de m’encourager, parce qu’il croyait en moi, en mon talent. Longtemps, sans faillir, je me suis appliqué à écrire des romans ou des ébauches de romans que je lui faisais lire, parce qu’il me demandait toujours ce que je faisais et lisait tout ce que j’écrivais.
Un jour, j’ai publié ma première biographie consacrée à Johnny. Il était très content pour moi, et fier aussi.
Je lui envoyais tous mes livres et il les lisait, même si la chanson n’était pas sa passion première. Sa femme aussi, Nicole, les lisait et me donnait son avis, la plupart du temps encourageant.
Michel avait l’espoir que je publierais un jour un vrai roman. Nous avions beaucoup parlé de l’un d’entre eux que j’avais en projet et que je n’ai pas eu le temps de terminer pour qu’il puisse le lire.
C’est encore Michel qui m’a incité à présenter Le Chemin d’enfance à ce concours Vallée-Livres de Saint-Jean de Valériscle où je vis aujourd’hui.
Avant de quitter la région, j’étais allé lui dire au revoir à Saint-Christol. Il m’avait offert un classeur rempli de « petits formats » et partitions de chansons, dont la plupart datent du début du siècle dernier jusqu’aux années 1950, me disant que c’était le cadeau d’adieu qu’il m’avait réservé, que c’était une évidence pour lui de m’offrir ça à moi, parce qu’il avait cette nature pessimiste qui le faisait anticiper sa mort et sans doute régler certaines choses avant qu’elle ne survienne. Il me reste de lui ce précieux cadeau.
Aujourd’hui est décidément un triste jour où des hommes de plume et de crayon vont manquer.
Michel Jeury va me manquer. Parce que c’était un homme bon, comme il y en a peu. Un homme qui donnait de sa personne, sans rien demander en retour.
Michel va me manquer parce qu’il était un ami. Parce que je lui dois pour une large part de continuer à écrire aujourd’hui et à publier. Parce que sans lui j’aurais depuis longtemps baissé les bras. Qu’il repose en paix.
Je penserai toujours à lui en me promenant dans les rues d’Anduze, dans les lieux où il aimait aller.
Frédéric Quinonero.
Je connaissais Michel Jeury depuis le début des années 60 alors qu’il écrivait sous le pseudonyme d’Albert Higon des romans de S.F. dans la collection « Le Rayon fantastique ». Ses romans ont fortement nourri mon imaginaire. Et encore davantage un peu plus tard, à l’époque du Temps incertain, signé de son vrai nom. Je l’aimais beaucoup, sans l’avoir connu personnellement cependant. Je suis peiné d’apprendre sa disparition, je pense à sa famille et je salue sa mémoire.
Claude Chabel